Renault: sans Carlos Ghosn, un futur incertain

Renault est dans la tourmente depuis l'arrestation au Japon de son ex-patron accusé de multiples malversations financières. Le constructeur automobile français dévoilait ce jeudi 14 février ses résultats pour 2018, la dernière année de règne de Carlos Ghosn, dans un contexte international lourd d'incertitude. Et ils sont mitigés.

Au siège du groupe Renault à Boulogne-Billancourt, près de Paris, c'est au nouveau directeur général Thierry Bolloré qu'est revenue la tâche de présenter les derniers chiffres de l’ère Carlos Ghosn. A son arrivée, une horde de photographes l’attendaient, l’immobilisant plusieurs minutes pour une séance de photo prolongée. De l’ombre à la lumière.

Difficile d’échapper aux questions sur la crise qui secoue le groupe. Le numéro 2 a multiplié les réponses tout en maîtrise, en bottant souvent en touche, éludant les questions qui ont trait au sort futur de l’alliance ou celui de l’ancien PDG. Thierry Bolloré a simplement rendu une forme d’hommage à Carlos Ghosn : « Vingt ans d'aventure de croissance, d'une telle originalité, d'une telle singularité dans le secteur automobile, c'est quelque chose qui nous marque tous. La question était de savoir comment nous allions continuer (...) mais notre responsabilité à tous, c'est de poursuivre l'œuvre. Le meilleur hommage qu'on puisse rendre à notre ancien PDG, ce sont nos résultats et c'est notre détermination à exécuter le plan stratégique. »

Renault pénalisé par les crises monétaires

Renault annonce avoir atteint ses objectifs concernant ses chiffres d'affaires : une hausse de 2,5 %, si l'on exclut l'impact des crises monétaires dans certains pays. C'est le cas notamment de l'Argentine et de la chute de son peso qui pèse lourdement au final. C'est le cas aussi au Brésil, en Russie et en Turquie. Au total, le bénéfice net a baissé de 37 %. En clair, si Renault continue de vendre beaucoup de voitures, cela lui rapporte moins qu'avant, sachant que plus de la moitié des véhicules sont écoulés en dehors de l'Europe.

Le nouveau patron opérationnel Thierry Bolloré se veut donc optimiste. Les résultats commerciaux et financiers démontrent selon lui la résilience de l'entreprise, sa rapidité à s'adapter à un environnement plus difficile.

De fait, les difficultés s’accumulent. Le groupe subit l'arrêt du marché iranien (du fait des menaces américaines), la guerre commerciale mondiale que mène Donald Trump, les premiers effets du Brexit qui ne favorise pas les investissements. Il y a aussi la crise du diesel : les ventes de moteurs à l'allemand Daimler et à Nissan ont très fortement diminué.

Le partenaire japonais est d'ailleurs en grande partie responsable de cette performance moyenne. Après une année exceptionnelle en 2017, Nissan a beaucoup moins vendu en 2018. Ses profits ont chuté de 45 % en 2018. La contribution détenue à 43 % par le constructeur français a baissé de près de moitié l'an dernier, à 1,51 milliard d'euros, essentiellement à cause de la disparition d'éléments exceptionnels qui avaient gonflé les profits du partenaire nippon en 2017, notamment les baisses d'impôts pour les entreprises votées aux Etats-Unis.

« Nous voulons plus d’alliance »

Et c'est maintenant tout l'enjeu pour Renault. L'affaire Ghosn a fissuré l'Alliance avec Nissan. Une alliance cruciale, quand on sait les milliards d'économies qu'elle permet. Thierry Bolloré, désormais aux commandes côté français, se veut rassurant. « Nous tous, nous voulons plus d'alliance ». Il promet que tous les projets seront menés à terme. Et même que la coopération franco-japonaise sera « encore améliorée ».

D’ailleurs, les discussions commencent vraiment entre les deux groupes. Le président du conseil d'administration de Renault Jean-Dominique Senard s'est rendu ce jeudi à Tokyo pour une première visite, avant de prendre peut-être le commandement de l'Alliance dans quelques semaines. Jean-Dominique Senard a dit à la presse s'être entretenu pendant près deux heures avec le directeur général de Nissan Hiroto Saikawa et avec celui de Mitsubishi Osamu Masuko, ajoutant que cette réunion avait permis de réaffirmer l'importance de l'alliance entre les trois constructeurs.

Jean-Dominique Senard, qui vient du fabricant de pneumatiques Michelin, est plutôt considéré par les Japonais comme une personnalité extérieure. Il leur donne l'espoir d'une relation plus équilibrée. Il y a quelques jours, il parlait d'une « longue mission de rétablissement de confiance, de transparence, de loyauté ».

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