Ne pas recourir au dollar ni aux moyens de paiements américains, et éviter les flux financiers directs avec l'Iran : tel est le principe de ce « véhicule spécifique » (SPV), selon les termes employés par le communiqué officiel de l’Union européenne. Un outil également décrit par des diplomates européens comme un « système de troc sophistiqué » ou encore une « bourse d'échange ».
Le 8 mai 2018, le président Donald Trump a retiré les États-Unis de l'accord sur le nucléaire iranien, signé en 2015 après des années de négociations, et annonce des sanctions pour toutes les entreprises qui continueraient de faire du commerce avec Téhéran. Les forçant de fait à choisir entre le marché américain et le marché iranien.
Pour ces entreprises, le choix est économiquement évident. Mais l'Union européenne et les autres signataires de l'accord veulent éviter une reprise du programme nucléaire iranien : pour sauver l'accord, il faut préserver les intérêts iraniens et donc préserver les échanges. C'est là qu'intervient le nouvel outil.
Une mise en œuvre complexe
Exemple imaginaire : l'Espagne veut acheter du pétrole à l'Iran et la France veut vendre des voitures à l'Iran. Selon le montage, ce serait l'Espagne qui paierait le pétrole, en réglant pour l'Iran la facture des voitures françaises. L’Iran ne ferait du commerce avec aucun pays directement.
Mais outre une mise en œuvre nécessairement complexe, et qui reste à préciser, se pose la question de la crédibilité d'un tel dispositif : les Américains fermeront-ils les yeux sur ce stratagème ? Suffira-t-il à rassurer les entreprises qui ont préféré se retirer d'Iran pour ne pas se fâcher avec Washington ?
Ce dispositif « ne résout pas le problème », selon Djamchid Assadi, professeur d’économie à la BSB
Selon Djamchid Assadi, toutes ces questions seront répondues par la négative et sans l'ombre d'un doute. Professeur d'économie à l’Ecole supérieure de commerce de Dijon-Bourgogne (BSB), il explique que « le problème ne se réduit pas aux flux financiers. Si quelqu'un travaillait, même gratuitement, pour les exportations pétrolières de la République islamique, les États-Unis le sanctionneraient ! Ce que l'Union européenne a proposé ne résout pas le problème. Cela n'encouragera pas les échanges avec l'Iran. Je pense que c'est une proposition qui est plus politique qu'économique. »
Faite à quelques heures du discours du président américain à la tribune de l'Assemblée générale des Nations unies, cette annonce montre surtout la détermination des Européens, mais aussi celle de leurs alliés russe et chinois. Car ces derniers pourraient être associés à ce mécanisme : tous cherchent encore à sauver l'accord sur le nucléaire iranien… envers et contre Donald Trump.