Le salon du chocolat à Paris, c’est à peu de chose près la même affiche depuis plusieurs années, comme si rien ne pouvait modifier l’engouement autour du cacao. Et toujours autant de visiteurs et d’exposants pour un salon qui se tient porte de Versailles durant cinq jours (du 28 octobre au 1er novembre) pour rassasier les bouches gourmandes. A croire que rien n’évolue dans ce marché classique, voire très traditionnel ? Pas certain, on découvre même qu’il a bien changé ce marché pour les « vrais » amateurs de chocolat et ça se voit sur les stands, enfin pour qui sait bien regarder. Mais de quel changement parlons-nous ? Il est en fait question de « tricheurs » chocolatiers. Des tricheurs ? Un grand mot mais qui trouve son origine dans un malentendu vieux de plusieurs années portant sur le terme chocolatier.
«Sur les milliers de chocolatiers en France, seulement une douzaine fabrique elle-même son chocolat à partir de la fève»
C’est Samuel Marouta co-créateur la jeune marque Marou qui nous l’explique (l’interview en intégralité est ici) : « Il y a un terme utilisé en France qui est chocolatier. Mais sur les milliers de chocolatiers qui sont installés en France, il y en a peut-être seulement une douzaine qui fabrique elle-même son chocolat à partir de la fève. Le reste, ils l’achètent à des industriels et fabriquent, non sans talent parfois, leurs créations à partir d’un chocolat qui n’est pas le leur. » On ne peut s'empêcher de penser au plus gros acteur français absent mais présent forcément sur de nombreux stands : Valrhona.
Alors pour qualifier cette spécificité qui est un gage de qualité et distinguer le chocolatier qui fabrique son propre chocolat de celui qui seulement le travaille, il existe aujourd’hui un terme, bean to bar, véritable mantra sur de nombreux stands. Explication par Marou de nouveau : « L’idée du bean to bar est qu’on fabrique le chocolat de la fève (bean) jusqu’à la tablette (bar). Cela paraît évident… » mais permet surtout d’éviter le malentendu suscité par le terme chocolatier.
Et des malentendus il en demeure dans cette filière qui s’évertue parfois à éteindre les feux concernant la qualité des produits utilisés. Sur un stand populaire du salon, on entend régulièrement psalmodier : « il n’y a pas d’huile de palme dans notre chocolat ! » Il y en aurait-il chez les autres ?
Bean to bar, une particularité, gage de qualité
Mais c’est aussi une agriculture mieux gérée et respectueuse de l’environnement qui fait son chemin. Un peu grâce à la formule bean to bar. Le salon vu sous cet angle économique et dynamique prend décidément une nouvelle allure. Les marques françaises comme Bonnat, Pralus ou Chapon faisaient donc du bean to bar, fabriquaient donc leur chocolat, sans même connaître cet argument marketing. Leur chocolat demeure d’excellence et ils s’évertuent à communiquer de mieux en mieux sur cette particularité, gage de qualité.
Car autour d’eux le marketing fait rage, mais on a envie de dire dans le bon sens quand il s’agit de mettre en avant une filière de nouveau respectée. La marque strasbourgeoise Erithaj propose un chocolat réalisé à partir de fèves cultivées au Vietnam et transformées en France. On en arrive même à des marques qui promeuvent le choix d’un certain type de fèves comme le beniano sauvage, une variété qui serait particulièrement pure, que le danois Rasmus Bo Bojesen de la marque Oialla défend auprès des plus grands palais comme le plébiscité restaurant Noma.
Juste à côté des très chics et affûtés Danois, la Gabonaise Julie défend, un peu seule, une jolie marque et trois boutiques à Libreville. La présence africaine sur la salon pour un pays qui représente tout de même deux tiers de la production de fèves est quasi inexistante dans la barre à déguster… Le passage de la fève à la tablette demeure encore délicat sur le continent ? Cette attitude économique mériterait-elle de changer ? Pour Marou, il est utilisé un cacao de type Trinitario, « mais c’est parfois compliqué car c’est plutôt la torréfaction qui fait la différence. »
Le travail des artisans japonais est dans le mix parfait
Cela tombe bien, le stand de Toshi Yoroizuka (le Japon est fortement représenté cette année) s’amuse à faire déguster des torréfactions différentes du même produit : 10 min, 20 min ou 40 min (ce qui est le plus souvent le cas pour la plupart des chocolats ) et c’est confondant. Il faut souligner que le travail des artisans japonais est dans le mix parfait. Bean to bar forcément et réalisations sublimes, esthétiques et simples avec des saveurs comme le thé vert matcha ...
et le surprenant yuzu transformé par la marque japonaise Vanilla beans qui a tout simplement appelé ses tablettes : Tablette.
Ou bien des classiques comme la fraise et le champagne.
Car le chocolat et son traitement encouragent les artistes de tout poil à se jouer de l’abstraction totale, du traditionnel ou de l’artistique. C’est là où le salon peut virer à l’écoeurement, car il est difficile de supporter des sculptures en chocolat en forme de talons aiguilles ou autre formule 1. Que dire des défilés de robes, voire lingerie en chocolat qui laissent foncièrement indifférent… On va se rapprocher des fèves et des torréfacteurs artisans, ambiance moite dans la jungle, plutôt que du kitsch dégoulinant du chocolat fondu.