Treizième fortune de France, l’industriel Emmanuel Besnier, 45 ans, à la tête de Lactalis, est inconnu du grand public, mais également de ses employés. Il ne se montre jamais dans les usines du groupe et communique, très rarement, avec les médias.
Un culte du secret qui se double d'un grand appétit industriel. Propulsé à 30 ans à la tête du groupe laitier fondé par son père et son grand-père, l’homme a bâti un véritable empire, qu'il partage avec son frère et sa sœur. Numéro un mondial des produits laitiers, Lactalis n'est pas coté en Bourse et ses comptes sont jalousement gardés.
Rachat de l’Italien Parmalat
En dix ans, le chiffre d’affaires du géant laitier a triplé. Il pèse aujourd’hui 17 milliards d’euros de chiffre d’affaires, commercialise de nombreuses marques célèbres, « Bridel », « Président », « La Laitière » ou bien encore « Lactel », et emploie 75 000 personnes dans le monde. Son dernier coup industriel, le rachat en 2011 de l’Italien Parmalat, a propulsé Lactalis au rang de numéro un mondial des produits laitiers, devant Danone et Nestlé.
Présent dans 85 pays dans le monde, avec des implantations aux Etats-Unis, en Asie et en Europe, le groupe est également très investi en France. Lactalis collecte 20 % du lait produit en France. Il est, aujourd’hui, un acteur majeur qui fait sa loi en matière de prix.
Considéré comme le plus mauvais payeur, le géant laitier pratique les plus bas tarifs du marché français : 256 euros les 1 000 litres de lait achetés à ses producteurs. En moyenne, les prix pratiqués par le groupe Lactalis tournent autour de 25 centimes d'euros le litre de lait, soit 10 à 30 centimes de moins que ses concurrents. Pieds et poings liés à leur collecteur, les éleveurs français montent au créneau pour obliger l'industriel Lactalis à respecter ses engagements de prix.
■ Comprendre la crise du lait
En avril 2015, Bruxelles a mis fin aux quotas laitiers imposés trente ans plus tôt. La production de lait s’est alors envolée dans des pays comme la France, les Pays-Bas, le Danemark et l'Irlande.
L’offre a augmenté alors que la demande elle ne cessait de reculer, en raison du ralentissement de la consommation en Chine, mais aussi de l'embargo russe sur les produits agroalimentaires.
Décrété en 2014, cet embargo a entraîné un sérieux manque à gagner, car les Français pouvaient espérer y écouler 3 milliards de litres, pour un marché évalué à plus de 100 millions d’euros. Mécaniquement, les cours mondiaux ont donc dégringolé.
En France, la situation se crispe autour de Lactalis. Un producteur sur cinq dans le pays est employé par le groupe. Or, comparé à ses concurrents, il rémunère le plus mal les éleveurs, qui sont de surcroît particulièrement endettés.
Le tableau n’est pas tout à fait noir pour autant. Ces derniers mois, on assiste à une timide reprise de la consommation chinoise et Bruxelles devrait donner des détails jeudi 25 juillet sur des mesures de soutien. L’UE a annoncé le mois dernier un plan d’aide de 500 millions d’euros pour atténuer la crise dans la filière.