Retour vers la croissance: où en est l’Europe du Sud?

Après l’Irlande, c’est au Portugal de s'affranchir le 17 mai prochain de la tutelle de ses bailleurs de fonds. Sous assistance financière de l'Union européenne et du Fonds monétaire international depuis trois ans, le pays s'est engagé à poursuivre ses efforts de redressement budgétaire, et ceci sans ligne de crédit de précaution. Où en sont donc ces pays du Sud de l’Europe qui tentent de retrouver la croissance : le Portugal, la Grèce, l'Espagne et l'Italie.

Le Portugal n’est pas encore sorti d’affaire. Au premier trimestre 2014, son produit intérieur brut (PIB) a enregistré une baisse surprise de 0,7% par rapport aux trois mois précédents. Un recul de l'activité dû, en particulier, à une diminution des exportations de biens et services. C’est une mauvaise nouvelle pour Lisbonne qui s'apprête à sortir du plan d’aide international et retourner sur les marchés sans filet de sécurité.

Pourtant les analystes restent optimistes et maintiennent leurs prévisions d’une hausse du PIB de 1% pour 2014. Cette baisse trimestrielle ne devrait pas remettre en cause le rétablissement progressif de l'économie portugaise prévu pour l'année en cours. Elle montre seulement que le chemin de la guérison est encore long.

La Grèce, les réformes structurelles au point mort

En Grèce aussi les indicateurs économiques s'améliorent, mais les Grecs ne le sentent pas encore. Leur niveau de vie a baissé, tout comme les salaires et les pensions, et le chômage frôle les 30%. Mais en même temps, les comptes de l'Etat se consolident. En 2013, la Grèce a enregistré un excédent budgétaire primaire (soit hors service de la dette) de 1 milliard et demi d'euros. « C'est trois fois plus que ce qui était prévu », souligne Georges Prévélakis, professeur à l'Université Paris 1, « pour la première fois, l’Etat n’a pas besoin de s’endetter pour couvrir ses obligations. La Grèce peut emprunter sur les marchés, et espère par ce biais résoudre le problème de liquidités. On peut construire, maintenant », conclut-il.

La Grèce retrouve le chemin des marchés, mais les réformes structurelles et les privatisations restent au point mort.

L’Espagne sur la voie du redressement

Cette confiance des investisseurs, c'est justement ce qui explique le grand succès de l'Espagne. Les taux d'emprunt n'ont jamais été aussi bas ! Avec une croissance estimée à 1%, l'économie espagnole est sur la voie du redressement, car Madrid a su réformer vite et en profondeur. « Les efforts accomplis par la population espagnole ont été très importants », rappelle Daniela Ordoñez, économiste chez Euler Hermès, « mais les retours sont positifs à travers des regains de compétitivité à l’exportation, notamment dans le secteur industriel ».

En effet, le déficit commercial de l’Espagne a été notablement réduit, tandis que le déficit extérieur a pratiquement disparu laissant place à un excédent qui ne cesse de se gonfler. « L’activité devrait continuer à se renforcer au cours des prochains mois, grâce aux multiples réformes structurelles adoptées depuis trois ans, et qui ont permis de tirer la croissance par la demande extérieure », explique Daniela Ordoñez.

Mais le plus grand défi reste le chômage qui touche 26% de la population active. Donner du travail pourrait relancer la demande intérieure. L'Espagne en a grandement besoin pour poursuivre ses ajustements. « La relance potentielle de la demande ne passera ni par les hausses des salaires, ni par les crédits », estime Jesus Castillo, économiste chez Natixis. « D’une part parce que les banques sont extrêmement prudentes, et d’autre part parce que les ménages espagnols, fortement endettés, sont encore dans le processus de désendettement ». Madrid devra engager des politiques très actives sur le marché du travail et, notamment, songer à « requalifier les personnes qui viennent du secteur de la construction pour les rendre attractives pour des activités plus industrielles, et qui demandent plus de savoir-faire », conclut Jesus Castillo.

L’Italie, des parts de marché à regagner

La demande interne, c'est aussi le problème de l'Italie. Grande puissance exportatrice, elle a perdu des parts de marchés depuis la crise. Pour Céline Antonin, économiste à l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), cela est arrivé parce que l’Italie a perdu en compétitivité par rapport à ses voisins, « des pays qui ont fait de la déflation salariale, comme l’Espagne, la Grèce ou le Portugal. Ces pays ont baissé le coût de leur main d’œuvre ce qui leur permet de gagner davantage de parts de marché en termes d’exportation. Alors que l’Italie continue d’avoir son coût du travail augmenté ».

Céline Antonin souligne que « l’Italie est un pays de petites et grandes entreprises familiales qui sont très performantes. Il ne manque finalement que quelques réformes structurelles ». Avec le déficit public sous la barre de 3%, mais l'endettement abyssal de l'Etat de 130%, le gouvernement Renzi mise sur la demande pour relancer la croissance.

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