De notre correspondante à Berlin,
Le texte sur le salaire minimum porte la griffe du SPD, et c'est à contrecœur que la CDU (les conservateurs) a finalement cédé sur la plupart des points de détail lors de la négociation du texte. Résultat : le futur salaire minimum - 8,50 euros bruts de l'heure pour presque tous les salariés à compter de 2017 - comportera peu d'exceptions. Ces exceptions sont les moins de 18 ans. L'idée est d'éviter que trop de jeunes ne renoncent à une formation solide au profit d'un petit job payé au Smic. Autre exception, les chômeurs de longue durée. L'idée est de favoriser leur réinsertion professionnelle. Une partie de leur rémunération sera prise en charge par l'Etat. Enfin, troisième exception, les bénévoles, qui par définition ne sont pas rémunérés.
Un pas difficile a été franchi
L'Allemagne est l'un des derniers pays d'Europe à adopter un salaire minimum. Angela Merkel s'y est opposée pendant ses deux précédents gouvernements. La tradition allemande c'est la cogestion en matière de conflits sociaux. En clair, patronat et syndicats négocient directement, sans la moindre intervention de l'Etat, montant des salaires et durée du temps de travail pour une branche donnée.
Le système a dominé la vie sociale du temps de la RFA. Mais avec la réunification, ce système bien rodé a montré ses limites. Chômage élevé, effondrement de l'économie est-allemande, absence de tradition syndicale, tout cela a affaibli le principe de la cogestion. Le niveau élevé du chômage à la fin des années 90 et les réformes d'inspiration libérale de Schröder ont achevé de partager le salariat en deux catégories inégales : les personnes bénéficiant d'une convention collective - en général très favorable aux salariés, comme dans la métallurgie l'automobile ou la chimie - et tous les autres, ceux dont l'entreprise n'est pas signataire de la convention collective ou les titulaires d'un petit job. Ceux-là ont des salaires parfois inférieurs à 5 euros de l'heure et dépendent des aides de l'Etat.
Un large soutien
Curieusement, les résistances au salaire minimum sont modérées. Du temps où Angela Merkel gouvernait avec les libéraux, ceux-ci se sont arc-boutés contre l'idée d'un salaire minimum, mettant Angela Merkel dans une situation embarrassante, tant la pression de l'opinion était forte pour un salaire minimum. Principal argument des libéraux : le risque de destruction d'emplois peu qualifiés. Mais selon une étude, seuls 10% des entreprises envisagent de réduire leurs effectifs à cause du salaire minimum. Les branches les plus menacées sont les taxis, les saisonniers agricoles et les professions payées à la tâche comme les distributeurs de journaux. Selon l'Institut Ifo, 900 000 emplois seraient menacés.
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