Mariage en vue entre EADS et BAE System

Le groupe européen EADS étudie un rapprochement avec le Britannique BAE System. Si le mariage est célébré, il aboutira à la création d’un mastodonte, d’un poids comparable à celui de l’Américain Boeing, son principal rival. Pour le moment les marchés sont sceptiques.

La nouvelle confirmée mercredi 12 septembre en fin d’après-midi par les deux parties a fait l’effet d’une bombe dans le monde de l’industrie de la défense. Difficile d’échapper à la métaphore militaire pour évoquer ce projet de méga-fusion qui fournirait à l’Europe un champion mondial de la défense et de l’aéronautique.

EADS et BAE System pèseraient, à eux deux, 72 milliards d’euros en chiffre d’affaires, c’est-à-dire plus que Boeing (53 milliards d’euros à la fin de l’exercice 2011), en revanche en terme de capitalisation boursière, l’avantage revient au camp américain. Avec un total de 220 000 salariés, le nouveau groupe ainsi créé serait à même de mieux traverser les turbulences économiques du moment.

Un mariage sur fond de crise

Quand l’austérité contraint la plupart des Etats à réduire les dépenses de la défense, les industriels sont les premiers à trinquer. Ce rapprochement est d’abord perçu comme une excellente parade à la crise. Ce facteur a surtout joué pour le Britannique BAE System. Comme il fournit exclusivement du matériel militaire, cette alliance lui permet de trouver un peu d’air grâce à l’activité aéronautique (Airbus) de son prétendant. Il a gagné beaucoup d’argent grâce aux guerres menées en Irak et en Afghanistan, mais cette période s’achève et c’est maintenant un poids léger face à EADS en termes de capitalisation boursière. C’est pourquoi d’ailleurs EADS prendrait le contrôle en détenant 60% des actions du futur colosse.

Mais l’impératif conjoncturel, s’il a accéléré le processus, n’est pas la seule raison qui a motivé ce projet de fusion. L’opération est aussi une bonne affaire pour EADS qui espère ainsi rééquilibrer ses activités où domine (trop) la construction des avions. Dans la nouvelle entité, aéronautique et défense seraient à égalité.

Le marché américain en ligne de mire

Enfin pour le groupe franco-allemand dirigé par l’Allemand Tom Enders, épouser le Britannique BAE System, c’est une promesse de flirt avec les Etats-Unis : la société BAE System est l’un des fournisseurs réguliers de l’armée américaine, par ailleurs si son siège est londonien, ses usines elles sont souvent situées de l’autre côté de l’Atlantique. Pour mémoire Airbus, qui avait obtenu un méga contrat d’avions ravitailleurs auprès de l’armée de l’Air américaine en 2008, s’est vu retoquer trois ans plus tard par le Pentagone suite à un lobbying intensif mené par Boeing ! Trouver une nouvelle porte d’entrée sur le sol américain est donc une nécessité absolue pour Airbus.

Attention à la riposte de Boeing

Mais c’est là où le bât blesse. Si la plupart des analystes estiment que la complémentarité tant industrielle que géographique fait sens, beaucoup doutent aussi de sa viabilité car Boeing ne se laissera pas faire. Ce mercredi 12 septembre, la réaction du patron du groupe américain a été neutre, Jim Mac Nerny a déclaré qu’il ne se sentait pas « menacé fondamentalement ». Mais aujourd’hui les marchés d’actions font entendre une toute autre musique. Les titres des deux fiancés sont en chute libre. Les opérateurs expriment ainsi leur doute. Pour eux, la riposte de Boeing, un groupe qui ferraille régulièrement contre Airbus au sein de l’OMC, sera inéluctable et féroce. Comme il l’a fait auparavant face à Airbus, il pourrait bien à l’avenir réduire à néant les chances du mastodonte de décrocher des contrats avec la défense américaine.

Autres obstacles de taille à franchir avant même la publication des bans : lever les réticences des autorités concernées. Et elles sont pléthores. Il y a d’abord celles des gouvernants : Allemands, Français et Britanniques en priorité qui pourraient exiger des parts prépondérantes au capital pour préserver leurs intérêts stratégiques. Mais aussi Américains, Espagnols, Saoudiens, ou encore Italiens, c’est-à-dire des partenaires ou des clients qui ont leur mot à dire. Enfin les autorités de la concurrence pourraient mettre leur veto à ce qui constituera la création d’un poids ultra lourd dans le secteur de la défense.

Conformément à la législation boursière, les deux groupes ont jusqu’au 10 octobre pour peaufiner leur dossier. Si le mariage a lieu, l’action EADS devra baisser et celle de BAE augmenter afin que les titres se rejoignent. L’idée de créer un Boeing européen, séduisante sur le plan industriel et politique, n’est pas neuve, mais elle n’a jusqu’à aujourd’hui jamais pu se matérialiser.

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