Prix Théâtre RFI: les textes présélectionnés de l’édition 2025

Cette année, ce sont 143 textes provenant de 22 pays pour la grande majorité africains, qui s’offrent à notre découverte. Les 7 auteurs et 5 autrices présélectionnés proposent un théâtre de la lutte, frontal, prosaïque, mais aussi poétique, à la langue imagée et à l’oralité puissante. Le nom du ou de la lauréat(e) du Prix RFI Théâtre 2025 sera annoncé le dimanche 28 septembre et le prix remis à Limoges, dans le cadre du festival Zébrures d'automne.

Le comité de lecture du Collectif À mots découverts : Elise Blaché, Françoise Cousin et Christine Gagnepain,

Cette année, nous avons lu 143 pièces provenant de 22 pays différents. Douze ont été choisies pour constituer la liste des finalistes soumise au jury du Prix RFI Théâtre 2025. Parmi ces douze, cinq ont été écrites par des autrices, lesquelles, nous le constatons, contribuent de plus en plus activement à construire le discours politique de la dramaturgie francophone et plus particulièrement africaine.

C’est la parole de celles et de ceux qui sont minorisés ou réduits au silence que fait globalement entendre cette sélection. Ainsi la parole des femmes, avec à la clé de beaux rôles à incarner pour des comédiennes, ainsi la parole des enfants, ou la parole des fous et des folles, des vieux et des marginaux, témoignant de conditions fragiles, de vies contraintes et d’une aspiration à l’émancipation.

Un théâtre de la lutte, frontal, prosaïque, voire trivial, mais aussi poétique, à la langue imagée et à l’oralité puissante. Les autrices et les auteurs de cette sélection nous convient de manière sensible au cœur de l’intimité des individus et des remous de la psyché pour mieux éclairer les systèmes de domination : patriarcat, pouvoirs corrompus, persistance de l’emprise coloniale, soumission par la violence et la guerre.

À l'heure où les forces médiatiques, économiques et oligarchiques qui s’emparent un peu partout du pouvoir s’emploient à contrôler ce qui mérite d'être dit et montré, ces autrices et ces auteurs nous offrent la liberté de leur regard, ainsi que la possibilité d’adopter le point de vue de l’autre, dévoilant pour ce faire des réalités trop souvent invisibilisées.

Nous vous souhaitons de bonnes lectures.

  • L'orpheline et la bête imaginaire de Zeïnam Haïdara (Mali)
  • Le Prince de Djika de Nathalie Hounvo Yekpe (Bénin)
  • Chambre 13 de Divine Mandé Kiss (RDC)
  • Furieuses de Rolaphton Mercure (Haïti)
  • La 47ème vague de Nono Doniwata Minougou (Burkina Faso)
  • Ce ciel d'orage sous nos paupières d'Alphonse Montcho (Bénin)
  • Traduit du délire de Jamie Moon Dayiti (Haïti)
  • On dit, oui de Djo Ngeleka (RDC)
  • Ce pays en moi de Sylvain Nanad (Cameroun)
  • Clipping de Israël Nzila  (RDC)
  • Epine de Smeralda Jean Philippe Tanis (Haïti)
  • Mowuta de Salva Safi Amisi (RDC)

L'orpheline et la bête imaginaire de Zeïnam Haïdara (Mali)

Après la perte tragique de ses deux parents, Fily, neuf ans, est submergée par une profonde tristesse. D'autant qu'elle ne sait pas encore chez qui elle ira vivre désormais : chez son oncle paternel, Modou, qu’elle ne connait pas bien, ou chez sa tante maternelle Alima qui habite à Dakar ? Toutes les nuits, l’orpheline est tourmentée par Koyoro, une créature monstrueuse qui ne cherche qu’à anéantir ses espoirs et à la pousser dans un monde de cauchemars. Fily, soutenue par sa poupée, arrivera-t-elle à dominer ses émotions et à vaincre la bête imaginaire afin de s’intégrer dans sa nouvelle famille ?

Une pièce jeune-public qui convoque un monde onirique pour soutenir le parcours vers la confiance en soi d'une petite fille. Une pièce douce et puissante.

Le Prince de Djika de Nathalie Hounvo Yekpe (Bénin)

Le Prince de Djika est chassé du pouvoir après 20 ans de règne. Il fuit avec son bras-droit un garde et se réfugie dans la cachette où, enfant, il dissimulait ses larmes et se confiait à son ami et frère de lait Mayaba. Depuis Mayaba homme honnête et courageux est au pouvoir et Djika devenu son second, poussé par la jalousie, l’assassine. Le Prince a pris le pouvoir grâce aux puissances étrangères complices et a ruiné les espoirs de révolution, d'égalité et de justice que le président Mayaba portait. Alors que les cris du peuple envahissent les rues, le Prince reçoit la visite d'un revenant, un homme qui l'interroge et qui a les traits de Mayaba. Comment est-il sorti de sa tombe ?

Une pièce politique dans un pays imaginaire (Djika) qui en rappelle d'autres bien réels. Une exploration du pouvoir et de ses ressorts, une histoire d'amitié aussi. Et une réflexion âpre sur les moyens que nécessitent les fins, même les plus justes.

Chambre 13 de Divine Mandé Kiss (RDC)

Jeane prend la parole, elle va dire comment elle est devenue Lolita, la reine des prostituées, dans son royaume : la Chambre 13. Tous les tenants du pouvoir et de la bonne moralité, y compris les hommes de Dieu, ressortent de cette chambre le regard vide, dépossédés de leur énergie, désaxés, sous emprise. Ce sont les mêmes qui l'ont trahie, violée, qui l'ont empêchée de faire des études, de trouver un travail et de se construire une autonomie.

Plaidoyer pour une vie libre et choisie, pour le respect des femmes, toutes les femmes, y compris celles qui usent du pouvoir qu'on leur laisse et par lequel on les dénigre : le sexe. Ce monologue, habité par les voix de la foule, des femmes mariées et des hommes sous son emprise, rappelle combien il est urgent de déjouer la rivalité entre femmes et de s'attaquer avec solidarité au patriarcat.

Furieuses de Rolaphton Mercure (Haïti)

L'histoire de Gerthie et de Myriam racontée par trois déesses vaudou. Gerthie, malgré son éducation chrétienne, est irrésistiblement attirée par Myriam. Elle qui, à 35 ans passés, vit toujours chez ses parents, découvre la sensualité et la puissance d'être désirée et aimée. Mais Myriam est fiancée au magnétique Fall. Cet amour restera secret et sans suite, car Myriam succombe sous les coups de Fall quand la rumeur court qu'elle vit une relation incestueuse avec son père Black. Dans un monde où l'on est jugé coupable des crimes dont on est victime, comment vivre libre ?

Un drame coup de poing qui, dans une langue lyrique, met en lumière les violences faites aux femmes et la puissance du qu'en-dira-t-on.

La 47ème vague de Nono Doniwata Minougou (Burkina Faso)

Un vieux soldat dans une tranchée. À ses côtés subsistent un crâne et un arbuste. Au rythme de ses réveils successifs, le vieil homme sort de son amnésie et parvient à se souvenir à qui appartenait le crâne, ce qui le lie à lui, comment il en est arrivé là. Son pays l'a envoyé défendre les frontières, il faisait partie de la 47ème vague d'appelés, les plus vieux, les derniers. Mais après lui restera l'arbuste, pour une ultime prise de parole. 

Une pièce nature morte, entre lumière et ombres, qui dit, dans un souffle poétique et musical, l'absurdité des guerres, le pouvoir des mots et l'espoir d'un renouveau.

Ce ciel d'orage sous nos paupières d'Alphonse Montcho (Bénin)

En compte à rebours, de 10 à 0, onze poèmes font entendre le parcours tragique d'une athlète marathonienne brûlée vive par son ex-compagnon. Une histoire qui évoque la destinée de Rebecca Cheptegei et qui en appelle d'autres, celles d'autres athlètes, d'autres femmes émancipées, et d'autres femmes assassinées pour avoir voulu vivre en sujet libre.

Une langue lyrique et puissante pour un poème dramatique à la construction inventive, porteur de l’élan de la lutte.

Traduit du délire de Jamie Moom Dayiti (Haïti)

Ti Paul Par-O-Carnage fait partie du gang le Nouveau Dubaï dans un quartier de Port-au-Prince.  Il a participé à la dernière tuerie sur le territoire d'un autre gang rival. Ricardo, son ami homosexuel, y a été exécuté sous ses yeux et avec son assentiment. Alors que les ruines du marché fument encore, Madan Pierre qui l'a bien connu enfant vient à lui : se rappelle-t-il qu'il voulait devenir poète et qu'il a aimé son fils Ricardo ? Le remords l'amènera à se venger et à reprendre la plume, pour faire face à ses propres tabous et retrouver son humanité.

Un polar politique écrit dans un mélange subtil de français et de créole. Une dénonciation fine et nuancée de la corruption du pouvoir, de l'implication de la communauté internationale et de l'homophobie des gangs.

On dit, oui de Djo Ngeleka (RDC)

Djo Ngeleka, l'auteur, prend la parole avec sa troupe pour dire la gloire, la déchéance et les absurdités du Congo. Ensemble, par la magie du théâtre, ils deviendront un peuple sans dirigeant et se réapproprieront la capacité de dire Oui ou Non.

Une partition audacieuse et collective, véritable ode à l'émancipation.

Ce pays en moi de Sylvain Nanad  (Cameroun)

Un homme fuit son pays en pirogue après la mort de sa femme et de sa fille, emportées par la guerre. Sur les flots, il entame un voyage intérieur, peuplé de souvenirs, de voix aimées, et de silences trop lourds. Fuir quand on a tout perdu. Fuir quand on ne veut pas combattre et ajouter la mort à la mort. Redonner parole et chair à ceux qui meurent anonymes en chemin.

Une traversée du deuil, entre mémoire, exil et poésie, portée par une écriture fine et sensible.

Clipping de Israël Nzila (RDC)

Do a été traumatisée enfant par la guerre et l'abandon. Aujourd'hui, au marché, devant l'étal de viande, lui revient le souvenir du jour où sa mère a fui devant les hommes à machettes pour détourner leur attention de la cachette où elle se terrait enfant. Aujourd'hui elle prétend avoir perdu sa fille, elle est sa propre fille, elle est elle-même une petite fille et sa propre mère. Petit à petit le puzzle se reconstitue, jusqu'à ce que Céline, la fille de Do, vienne comme si souvent récupérer sa mère à la prison des gardiens du marché.

Une traversée saisissante à travers la mémoire en bribes d’une jeune femme, pour reconstituer tout autant son histoire intime que des pans de l'Histoire du pays.

Epine de Smeralda Jean Philippe Tanis (Haïti)

Une jeune femme observe son image dans le miroir et y reconnaît les traits de sa grand-mère. Que faire de l'héritage des bourreaux, telle est la question. Qui plus est si le bourreau est une femme. Comment briser le silence qui entoure la violence féminine et enferme les héritiers.

Une écriture fine pour un sujet brûlant : celui des femmes bourreaux sous les régimes de dictatures, ici les Duvalier. Un propos juste et sensible sur une réalité tue et difficile.

Mowuta de Salva Safi Amisi (RDC)

Voyage initiatique à travers la ville d'une jeune provinciale (une Mowuta) qui arrive à Kinshasa dans l'espoir d'obtenir un visa pour un pays où la vie sera meilleure. Elle a fait le voyage avec l'appui de toute sa famille restée au village. Mais elle va de déconvenue en déconvenue : on lui vole son portefeuille, puis son téléphone et elle rate son rendez-vous avec l'administration : lui échappe dès alors le « ticket d’or vers la terre promise ».

Un récit à la première personne, sensible et plein de suspens, une écriture vive qui mêle français, lingala, paroles bruissantes de la rue et chansons populaires.

 

► Le « Prix Théâtre RFI » est organisé en partenariat avec la SACD, l’Institut français, l’Institut français du Sénégal à Saint Louis, les Francophonies - Des écritures à la scène, Théâtre Ouvert - Centre National des dramaturgies contemporaines, et le Centre Dramatique National de Normandie-Rouen.

Partager :