J'accuse, du réalisateur franco-polonais Roman Polanski, est à l'affiche, en France, depuis mercredi 13 novembre. Le film raconte un scandale majeur de la IIIe République française, la condamnation à tort, en 1894, du capitaine Dreyfus, accusé d'avoir livré des documents secrets à l'Empire allemand sur fond d'espionnage et d'antisémitisme. Le film est unanimement salué par la critique, il a été récompensé du Grand prix du jury à la Mostra de Venise en septembre dernier.
Roman Polanski fait partie des grands metteurs en scène consacrés par la critique internationale, il a reçu la Palme d'or à Cannes en 2002 et un Oscar en 2003. Mais une nouvelle accusation de viol à l'encontre du réalisateur est venue ternir la sortie de J'accuse.
Polanski en France, son pays de naissance
Une photographe a déclaré avoir été violée et rouée de coups par Roman Polanski alors qu'elle avait 18 ans en 1975. Les faits sont prescrits. Roman Polanski les réfute absolument, mais ce n'est pas la première fois que des femmes l'accusent de viol. Les affaires trop anciennes n'ont pas pu être jugées.
Sauf une, en 1977. Le réalisateur est condamné pour viol sur mineure aux États-Unis, il reconnait les faits et écope d'une peine de 90 jours de prison, mais devant l'émoi de la presse et de l'opinion publique le juge souhaite à nouveau le poursuivre. Polanski fuit donc en France, son pays de naissance. Il est toujours considéré par Interpol comme un fugitif et ne peut se déplacer que dans trois pays : la Pologne, la France et la Suisse qui refusent l'extradition de leur ressortissant.
La parole des femmes se libère
Cette nouvelle accusation de viol à l'encontre de Roman Polanski intervient dans une période où la parole des femmes se libère notamment dans le cinéma. Il y a quelques jours, l'actrice Adèle Haenel avait révélé avoir été victime d'agressions sexuelles lors d'un tournage avec le réalisateur Christophe Ruggia.
Alors faut-il boycotter les films de Roman Polanski ? Chacun est sommé de se positionner. Le ministre français de la Culture, Franck Riester, a estimé jeudi dernier que « le talent n'est pas une circonstance atténuante » et que « le génie n'est pas une garantie d'impunité », sans jamais nommer Roman Polanski et tout en mettant en garde contre « le tribunal de l'opinion ». Plusieurs membres du gouvernement, dont la porte-parole Sibeth Ndiaye et la chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes, Marlène Schiappa, ont indiqué qu'elles refuseraient à titre personnel d'aller voir le film, mais elles n'appellent pas au boycott estimant qu'on ne peut pas condamner quelqu'un en l'absence de décision de justice.
Un cinéma évacué
Une projection a été perturbée par des femmes la semaine dernière à Paris et un cinéma a dû être évacué à Rennes, samedi dernier, en raison de l'irruption de manifestants. Mais le film est sorti dans 450 salles en France et les chiffres de démarrage sont excellents. Et ce même si du fait du contexte l'équipe du film n'a quasiment pas fait de promotion.
Entretemps, ce lundi 18 novembre, la Société civile des auteurs, réalisateurs et producteurs (ARP) qui comprend 200 réalisateurs a réuni son conseil d'administration.
Ce dernier a voté « la mise en place de nouvelles procédures de suspension pour tout membre mis en examen par la justice et d'exclusion pour tout membre condamné, notamment pour des infractions de nature sexuelle », a indiqué Pierre Jolivet. « Cette suspension concernerait Roman Polanski », a-t-il ajouté.
L’affaire Weinstein a changé la donne
Il a fallu du temps du temps au cinéma français pour que l'omerta, la loi du silence, sur les agressions sexuelles dans le milieu ne soit plus la norme. Les témoignages sont encore timides, mais la parole se libère petit à petit, deux ans après l'affaire Weinstein qui a profondément changé la donne dans le cinéma américain.