Le nouveau film du réalisateur brésilien Kleber Mendonça Filho et de son complice Juliano Dornelles sort ce mercredi 25 septembre en salles. Bacurau est une plongée dans la dureté du Brésil contemporain. Une œuvre à la fois dérangeante et visionnaire.
► À lire aussi : Festival de Cannes: entretien avec Kleber Mendonça Filho et Juliano Dornelles
À partir d’un scénario d’anticipation conçu bien avant l’élection de Donald Trump et de Jair Bolsonaro, le film se fait étonnamment l'écho des idées réactionnaires du président brésilien. Notamment l'incitation aux spéculations financières les plus sordides menaçant la vie et la nature. L'action met en scène une bande de mercenaires américains au service de politiciens peu scrupuleux qui a pour mission de supprimer de la carte du monde un village et ses habitants.
À travers cette fable politique baroque et ultra-lucide, Bacurau se place à l’échelle de l’économie mondialisée, technologique et prédatrice, en mesurant la distance qui l’éloigne de ses laissés-pour-compte. C’est pourquoi Mendonça et Dornelles ont choisi le Sertão, territoire semi-désertique parcourant de haut en bas le Nordeste du Brésil, leur région d’origine, pour nous attacher à ses habitants, poussés à l’autosubsistance collective.
Explorant leurs caractères forgés dans l’empreinte d’une culture de tradition, puissante et survivante, le récit nous entraîne au vif de leur combat. Pour ce faire, le scénario s'appuie sur quelques personnages pour mettre en valeur les croyances et la manière de vivre de la petite communauté de Bacurau, un village délaissé, voué à disparaître.
Certes la règle du western des « bons contre les méchants » marche à plein régime. Mais le long métrage dépasse le crédo du film de genre pour nous projeter avec force dans nos propres angoisses et nous demander, à l’instar du grand critique français de la fin du XXe siècle Serge Daney, clairvoyant lui aussi : « Le monde est-il encore habitable ? ».
Bacurau, Brésil / France, 2019, 2h12
avec Udo Kier, Sônia Braga, Jonny Mars.