RFI : Être invitée en tant qu’actrice au Festival de Cannes, est-ce que c’était un rêve de jeunesse pour vous ?
Salomé Richard : Oui, bien sûr [rires]. C’en était un gros, et puis comme c’est un espoir qu’on ne peut pas nourrir tout seul… C’est difficile de continuer à nourrir cet espoir, parce qu’on a très peur d’être déçu. Mais, là, c’est le cas, alors je suis très contente.
Dans Rêves de jeunesse d’Alain Raoult, vous gardez le même prénom, Salomé. Est-ce que le film parle aussi de votre rêve de jeunesse ?
Non, ça ne parle pas de mes rêves de jeunesse mais plutôt de mes rêves d’adulte. C’est un film qui parle de comment on quitte le mainstream pour faire sa propre vie. Comment on quitte un monde qui ne satisfait plus ses propres espoirs, ses propres ambitions, pour aller retrouver du vivre ensemble un peu plus cohérent ailleurs. Comment faire pour incarner des valeurs auxquelles on croit.
L’histoire du film se déroule dans une déchetterie qui se transforme en micro-société. Salomé y fait un job d’été et retrouve d’anciens amis de jeunesse et d’autres gens qui ont échoué. Est-ce pour signifier qu'à notre époque, on met les rêves à la poubelle ?
Je ne pense pas qu’on mette les rêves à la poubelle. Dans cette déchetterie, il y a une benne rouge, une benne blanche et une benne bleue : bleu, blanc, rouge. Je crois que ce n’est pas anodin. Je ne pense pas qu’on met des rêves à la poubelle. Je pense qu’on ne met plus le même sens dans les mêmes mots.
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Votre personnage dans le film est très introverti, avec une colère intérieure qui ne cesse de monter. Les rêves de jeunesse servent-ils dans la vie d’adulte ?
Oui, je pense que cela peut parfois faire un peu gouvernail, sur certaines idées ou valeurs. Quand on est jeune, on a des ambitions qui peuvent déchanter face à la machine du monde. Peut-être pas les rêves de jeunesse à proprement parler, parce qu’ils sont souvent assez naïfs, mais retrouver cette forme d’ingénuité qui nourrit ses rêves en tant qu’adulte. Cela peut parfois redonner de l’élan, redonner du recul par rapport au monde dans lequel on vit et puis offrir des propositions, peut-être pas des solutions mais, en tout cas, des façons d’envisager des choses différemment.
Dans le film, les rêves des hommes sont des rêves brisés : un ouvrier, passionné de vélo, se retrouve après trente-huit ans de travail traité comme un déchet de la société. Le jeune idéaliste et ancien amant de Salomé, Mathis, s’est fait tuer par la police pour ou à cause de ses rêves d’une vie alternative en ZAD (zone à défendre). En revanche, les femmes, comme vous ou Estelle, la star déchue de la télé-réalité « I will survive, premier de cordée », ont certes souffert, mais elles ont leur vie et leurs rêves encore devant elles. Les rêves du futur sont-ils féminins ?
En tout cas, c’est une époque dans laquelle on laisse enfin, peut-être, un peu de place pour les rêves des femmes [rires]. Contrairement à des époques précédentes où les ambitions étaient surtout portées par les hommes. Je pense que les rêves des femmes sont différents de ceux des hommes - encore que… Je pense simplement qu’on les entend peut-être plus aujourd’hui. Et c’est tant mieux.
► Rêves de jeunesse, un film d’Alain Raoult, présenté en sélection de l’ACID au Festival de Cannes.