«Alice T.», comment adopter une fille, une mère, un film?

Comment comprendre la filiation familiale d’un enfant adopté ? Le réalisateur roumain Radu Muntean, 47 ans, a creusé chez plusieurs enfants adoptés dans sa propre histoire familiale pour explorer le sujet. « Alice T. » sort ce mercredi 1er mai en salles en France et témoigne de la fragilité de l’identité d’une adolescente et d’une famille aujourd’hui.

Le premier plan est ses cheveux cuivrés. Une scène sans fioriture dans une petite buvette : une jeune fille en jogging s’ennuie sur sa chaise, joue avec la paille de son verre, attend son prince qui ne viendra pas et finit par perdre patience. La couleur de la chevelure a mis d'emblée tous nos sentiments en alerte, mais on ignore toujours quel conte Radu Muntean est en train de nous raconter.

Alice, orpheline adoptée, découvre qu'elle est enceinte. Elle a 16 ans. « Il est à moi, tout seul », affirme-t-elle entêtée, abandonnée par le père de l'enfant. Commence alors une fuite en avant d’Alice et de sa mère adoptive qui essaie de l’aider sans trop savoir comment.

► Lire aussi : Radu Muntean installe le doute dans «L’Étage du dessous»

Le magma d’émotion et l’histoire familiale

Alice T. est l’histoire d’une fille et d’une mère adoptive. C’est aussi le récit d’un abandon, d’une trahison, d’un nouveau départ, d'une tentative d’avoir confiance dans la vie… à travers « une élève à problèmes », une adolescente à la fois résignée et révoltée qui remporte tout le reste avec elle. Dans ce magma d’émotion, le futur bébé semble donner de l’orientation, mais son apparition déconcerte en même temps l’histoire familiale de la mère adoptive.

En attendant, la fille enceinte continue à défier le monde entier : de la gynécologue en passant par les jeunes hommes autour jusqu’au directeur de l’école. Radu Muntean installe sobrement et en gros plan le moment d’une vie où tout devient possible : de la fécondation jusqu’à l’hémorragie. C’est là où l’initiale « T. » se cherchera un nom à donner et un sens à trouver. Et c’est là où Andra Guti illumine avec son corps et son cœur le personnage d’Alice pour lui donner une existence tellement évidente, bien au-delà de la crise d’adolescence. Un prix d’interprétation féminine bien mérité lors du dernier Festival de Locarno.

Le destin d’une adolescente à l’état naturel

Chez Radu Muntean, la transmission cinématographique se trouve pleinement à l’œuvre : la scène où il entre comme père de l’amie dans la chambre d’Alice est un hommage appuyé à une scène semblable du chef-d’œuvre À nos amours, de Maurice Pialat. Autrement dit, c’est la technique de l’adoption qui nous fait retrouver le destin d’une adolescente à l’état naturel.

Partager :