C'est le dernier cliché de l'album 100 photos de Françoise Huguier pour la liberté de la presse: une piscine et son plongeoir abandonnés au Cambodge. Il y a quelques années, la photographe est revenue sur les traces de son enfance dans ce pays, où son père dirigeait une plantation d'hévéa. En 1950, près de cette piscine, Françoise Huguier et son frère furent kidnappés par le Vietminh, puis retenus huit mois en otages dans la jungle. Elle avait 8 ans : « Dans la jungle, il y a des serpents, des mygales et puis des bêtes sauvages. Moi, j’ai eu le palu, mon frère a voulu se sauver, il a été pendu par les pieds. On a quand même beaucoup souffert. »
Est-ce que cela a contribué à faire d’elle cette femme hors du commun ? « Oui, je pense. Quand on me disait est-ce que tu es capable d’aller six mois en Sibérie, je ne le disais pas, mais je pensais : oui, je suis capable, parce que moi, ce que j’ai vécu, c’est pire que la Sibérie. »
Brise-glace et World Press Photo
La Sibérie Polaire ? Elle y passe six mois, franchissant le détroit de Behring en brise-glace et récolte en 1993 le World Press Photo. Avant il y a eu l'Afrique, avec une traversée en voiture de Dakar à Djibouti. Plus de 40 ans à parcourir le monde, comme photographe documentaire. C'est ainsi que Françoise Huguier se définit, qu'elle nous révèle l'intimité des femmes au Burkina et au Mali, ou qu'elle revienne sept ans d'affilée photographier les locataires d'un appartement communautaire de Saint-Pétersbourg.
Une vie qui se lit comme un roman, et dont l'album de Reporter Sans Frontières livre un beau résumé.
► Écouter : Françoise Huguier est notre Invitée culture aujourd'hui.
► La photographe fait aussi l'objet d'une exposition à la Galerie Vu, à Paris, jusqu'au 31 mars.
► Lire aussi : Que faisait le photographe Irving Penn en Afrique?, rfi, 21/9/2017