Au dernier Festival de Cannes, le trublion Ruben Östlund avait réussi l’exploit à faire pousser un cri de bonheur aux stars du cinéma mondial assises dans la salle. Ainsi, le réalisateur suédois de 43 ans avait transformé la cérémonie de la Palme d’or en une de ces expériences de psychologie sociale si présentes dans son film The Square. Deuxième Suédois à remporter une Palme d’or, Östlund a construit son œuvre comme une pièce de théâtre, conceptuel comme une œuvre d’art contemporain et scénarisé comme une satire sociale au cinéma.
« The Square », un projet artistique et scientifique
Le film raconte l’histoire de l’illustre projet artistique de Christian. Ce bel homme, coureur de jupons et directeur de musée incarné avec classe par Claes Bang, rêve de faire entrer l’art dans la vie des gens. Le concept est simple : un carré devant le musée devient le sanctuaire des vertus : « ici, nous sommes tous égaux ». Bien sûr, la phrase fait référence à La ferme des animaux de George Orwell. Dans The Square, un « singe » mettra en rude épreuve l’intelligentsia du musée. La réalité dépassera les rêves les plus fous. Et les idéaux du directeur du musée seront ébranlés par sa propre campagne de marketing. Le réalisateur suédois fait défiler le politiquement correct de son pays, mais aussi la petitesse honteuse habitant chacun de nous quand il est question d’aider l’autre.
L’idée du film est inspirée par l’expérience « du bon Samaritain », menée à l’université de Princeton en 1973. Quarante étudiants en théologie découvrirent que la majorité entre eux a préféré d’obéir à l’ordre de se dépêcher sur leur chemin plutôt que d’aider un membre de leur groupe qui est tombé et avait eu besoin d’aide…
La contradiction du réel
Le titre du film est directement inspiré d’un projet artistique exposé au Vandalorum Museum, dans le sud de la Suède. D’abord conçue pour être éphémère, l’exposition a été transformée en installation permanente sur la place centrale de la ville de Värnamo avec un but clair : « si l’on se trouve à l’emplacement du Carré, il est de son devoir d’agir – et de réagir – si quiconque a besoin d’aide ».
Le film nous demande donc à nous ouvrir aux autres et de sortir du strict cadre des salles de cinéma. C’est cette impossibilité de concilier l’exigence de faire confiance aux autres et de le faire réellement qui rend The Square si brûlant d’actualité.