Les Afriques - ce pluriel est bienvenu – ne se limitent pas au seul continent. Les voix africaines essaiment dans le monde. Le découpage de cette anthologie audacieuse rend compte de la diversité des souffles : « sahariennes », « sahéliennes, « éthiopiques », « îles vanilles », « américaines ». A quand la rubrique « européennes » tant l’épopée des voix noires imprègne notre quotidien ?
Sans oublier les poètes des siècles passés, ni les grands maitres, les auteurs ont souhaité braquer leur projecteur sur des jeunes pousses et sur des régions restées dans l’ombre. Il est émouvant de lire des textes du Malawi, de Centrafrique, de Guinée équatoriale ou du Sahara occidental.
Saluons comme elles le méritent les voix connues, telles celle de Laâbi (« Mère ne parle pas devant moi / je risque d’apprendre ta langue / et les tueurs sont à l’affût ») ou de Waberi (« Je repars demain, l’aube en bandoulière »), pour nous concentrer sur l’apport notable des 120 Nuances d’Afrique, la parole donnée aux femmes qui se consacrent à la poésie. Elles sont 44 sur 120.
Pour ne citer qu’une poignée de noms : la regrettée Joyce Mansour, franco-égyptienne, Tanella Boni, professeure de philosophie en Côte d’Ivoire, Ananda Devi qui partage son temps entre l’île Maurice et la Suisse, Epiphanie Mukasano réfugiée rwandaise en Afrique du Sud, Fatoumata Adelle Barry, Nigérienne, étudiante en médecine ou Alexandrine Lao de Centrafrique (un poème paru sur son site LinkedIn).
Savourons aussi quelques graines grappillées au fil de la lecture.
Maya Angelou (bien chaussée dans sa marche, elle a fini par trouver le paradis)
Pourquoi sombrer dans la tristesse
Parce que je marche comme si j’avais trouvé
Des puits de pétrole dans mon salon ?
Zahra Hasnaui (qui a vécu dans les camps de réfugiés de Tindouf)
Je me vis / maudire / le dieu de la pluie
la terre avare / et l’embuscade
qui me fit tomber dans l’absence d’une telle beauté
Toni Morrison (présente-t-on un prix Nobel ?)
Cette maison est étrange / Ses ombres mentent
La Kényane Katherine Wanjiru Getao, adepte d’une poésie des gestes quotidiens
Et je me couche sur la natte
Pour rassembler ma poussière rebelle
Enfin un échantillon de la multi-talentueuse Werewere Liking
Il est des visages comme des proverbes
Enigmatiques et symboliques
Ils appellent à la sagesse
Parce que la vie c’est l’avenir
Et que l’avenir c’est toi
►120 nuances d’Afrique, anthologie établie par Bruno Doucey, Nimrod et Christian Poslaniec, Editions Bruno Doucey, 2017
► Retrouvez chaque mardi Le blog littéraire de Georges Lory.