« Rappelle-toi : rien n’est vrai, tout est permis, nous sommes les Assassins ». Le credo de l’ordre des Assasins se résume à sacrifier sa vie pour protéger la liberté et la Pomme d’Eden, l’objet culte qui enferme les graines du libre arbitre de l’Humanité.
L’aventure commence avec une plongée vertigineuse dans le temps. La chute libre s’arrête en 1492, l’année où Christophe Colomb « découvre » le Nouveau Monde. Dans une Espagne terrorisée par l’Inquisition, les membres de l’ordre des Assassins sont massacrés par les Templiers.
Éradiquer la racine du mal
Dans le film, on n’a pas de temps à perdre. Expédié illico dans l’année 1986, on se retrouve au Mexique où une mère est assassinée par son mari devant son propre fils. Trente ans plus tard, le 21 octobre 2016, un homme est exécuté dans un pénitentiaire aux États-Unis. Mais, au lieu de se retrouver en enfer, Callum Lynch se réveille à côté d’une scientifique mystérieuse, Sophie Rikkin, campée par Marion Cotillard. Elle lui explique l’avoir ressuscité pour des recherches à des fins humanitaires : trouver la racine du mal et de l’éradiquer…
On a compris, elle aussi est à la recherche de la Pomme d’Eden et met tout en œuvre pour y arriver. Callum est le dernier descendant de l’Assassin Aguilar qui était au XVe siècle en possession du Graal de l’humanité. Cal sera son cobaye, son médium pour accéder au destin de l’être humain. Ligoté et branché sur l’Animus, la machine à remonter le temps à travers de la « mémoire génétique » d’une filiation familiale, Cal nous fait vivre les combats de ses aînés pour retrouver la clé du libre arbitre.
L’esprit d’acier de Michael Fassbender et la beauté glacée de Marion Cotillard
La caméra se perd parfois entre cadrage vidéo à 360 degrés et des grands plans pour capter l’esprit d’acier de Michael Fassbender ou la beauté glacée de Marion Cotillard. Avec des scènes psychédéliques basculant de temps en temps dans le film d’horreur, Assassin’s Creed oscille entre les ingrédients du jeu vidéo et du thriller cinématographique : dotée de sa célèbre lame secrète, l’Assassin Michael Fassbender assure les actions du combat, Marion Cotillard, plus portée sur l’introspection psychologique, distille la tension propre à la démesure d’une scientifique devenue une sorte de Dieu moderne.
Au-delà du divertissement procuré, reste la question des valeurs transmises par le film. Promues au nom de la liberté, les philosophies à l’œuvre obéissent à une logique aussi binaire et totalitaire que beaucoup d’autres jeux vidéo et films. Leur point commun : ils disposent tous de camps de rééducation pour le perfectionnement de l’Humanité comme Le Labyrinthe avec la mystérieuse et puissante organisation Wicked ou Hunger Games sous le règne d’un puissant gouvernement répressif, le Capitale. Dans Assassin’s Creed, la violence est considérée comme le seul moyen pour pouvoir éradiquer le Mal. Les pulsions criminelles sont censées être héréditaires : tel père, tel fils, l’esprit meurtrier se transmet à travers des siècles… En attendant, Sophie Rikkin et son père Alan (Jeremy Irons) de l’organisation Abstergo, en dignes successeurs du Docteur Frankenstein et au service de la Grande Loge des Templiers, essaient de prendre possession du code génétique pour dominer le monde.
Un mode « actif » ou « passif » ?
À qui s’adresse cette histoire portée sur grand écran ? Probablement à tous ceux qui n’ont jamais joué le jeu. Car, dans une salle de cinéma, le gamer ne dirige plus personne. Aucune interaction n’est possible. Pas de question non plus de changer les profils en « actif » ou « passif ». Il est littéralement dépossédé de son jeu, doit réapprendre à s’orienter dans un monde ouvert conçu par un réalisateur et avec Michael Fassbender, Marion Cotillard et Jeremy Irons aux manettes. Des stars du cinéma qu’aucun spectateur ne peut modeler à sa guise. Ainsi, le gameplay non-linéaire se transforme en récit simplement ficelé et des personnages plutôt plats, avec des sauts spectaculaires dans le temps et dans l’espace, mais sans l’option de vivre des séquences personnalisées d’infiltration, sans parler du mode multijoueur…
Tourné à Londres, à Malte et en Espagne, le film reste dans le registre de l’action-aventure et joue avec les mêmes registres que le jeu vidéo Assassin’s Creed avec ses mythologies, ses combats sans fin, le Sens de l’Aigle pour s’orienter et son expérience d’un monde hostile divisé en deux clans : les méchants Templiers contre les braves Assassins. La musique de Jed Kurzel, hélas, reste un peu trop efficace pour être intéressante et se contente d’amplifier les scènes d’action sans élargir le propos.
Le « saut de la foi » d’Ubisoft Motion Pictures
Les exploits des cascadeurs et funambules s’imposent comme le grand point positif du récit cinématographique. Ils donnent du piment au scénario avec leurs sauts impossibles, leurs courses poursuites sur les toits de Grenade ou le fameux « saut de la foi ».
Avec sa première production cinématographique, Ubisoft Motion Pictures, la nouvelle division cinéma de l’éditeur breton, élargit une stratégie déjà bien entamée avec la publication de livres et de bande dessinées, mais aussi d’une ligne de vêtements et la création de courts métrages autour de l’univers de son jeu vidéo culte. Sans oublier ses fidèles gamers : le prochain épisode d’Assassin’s Creed sera situé en Egypte et sortira en 2017.