Des cris, des regards effrayés, des locataires qui courent dans tous les sens pour se mettre à l’abri. L'immeuble semble s'écrouler. D’une seconde à l’autre, Emad (Shahab Hosseini), professeur et comédien de théâtre, et sa femme Rana (Taraneh Alidoosti) doivent évacuer leur appartement du centre de Téhéran. Le propriétaire de leur appartement étant insolvable, ils se retrouvent pratiquement à la rue. Un collègue de leur troupe de théâtre leur loue alors un appartement qui vient de se libérer. Hélas, le coup de chance se transforme rapidement en cauchemar. Rana vient d’être agressée par un inconnu, à l’intérieur de leur nouvel appartement. Traumatisée, elle ne peut plus rester seule dans l’appartement.
La symbolique d'un immeuble fissuré
Depuis le 11-Septembre, on connaît la puissance symbolique d’une tour effondrée. Dans Le Client, Asghar Farhadi se contente d’un immeuble fissuré. Ce déménagement forcé brise le bonheur du jeune couple et met en lumière plein de points sensibles de la société iranienne.
Dans le film, hors de question pour Rana de porter plainte à la police. Elle craint le regard des autres et sait trop bien que dans cette société la faute morale retomberait inévitablement sur elle. N’était-ce pas elle qui avait laissé la porte ouverte ? Et personne ne critiquera que leur « ami » eût « oublié » de signaler que l’appartement a été longtemps habité par une femme avec des mœurs très légères. Est-ce un ancien client qui l’avait surprise sous la douche ?
Farhad Asghar, maître de la composition
Magistralement orchestré et mise en scène, Farhad Asghar se révèle maître de la composition.
A des années-lumière du cinéma politique de Jafar Panahi (à qui le Centre Pompidou-Paris consacre actuellement une rétrospective intégrale), moins méditatif et symboliste que son ami et idole Abbas Kiarostami qui vient de décéder, Asghar Farhadi travaille aussi beaucoup les sous-entendus, les silences et les non-dits.
Le Client oscille entre trois lieux et univers : l’ancien monde de l’ancien appartement, le nouvel ordre du nouvel appartement et l’univers de la réflexion, la salle de théâtre, où ils préparent une pièce d’Arthur Miller : Mort d’un commis voyageur. Soudain, leurs rôles joués sur scène d’un vendeur et de sa femme font écho avec leur nouvelle vie loin de ce centre de Téhéran en pleine transformation : « En Iran, les choses évoluent très vite et ceux qui ne peuvent pas s’adapter à cette course effrénée sont sacrifiés. La critique sociale au cœur de la pièce reste valable en Iran aujourd’hui », explique Asghar Farhadi.
Les côtés sombres de l'âme humaine
Ni simple film social ou moral, le film creuse la complexité des relations humaines. Les épreuves traversées par le couple révèlent leurs caractères profonds. Farhadi sonde les côtés sombres de l’âme humaine. Obsédé par trouver le coupable, Emade devra bientôt décider du sort d’un homme, un vendeur. Diabolique.