Ces dernières années, les académiciens de Stockholm ont couronné de grandes langues de communication (russe, anglais, français, mandarin, espagnol). Pourtant, jadis, ils ont distingué l’Islandais Haldór Laxness. Alors, pourquoi ne pas saluer une langue créole pour changer ? L’afrikaans et ses six millions de locuteurs, majoritairement métis, ont leur figure de proue.
Le poète Breyten Breytenbach vient de fêter ses 77 ans.
Pour son anniversaire, il compose régulièrement un poème autour d’une citrouille explosive. Il vient de faire éclater un fruit plein de 727 pépites sous le titre Die singende hand*, (« La main chantante »). Son œuvre complète ? Vous n’y êtes pas. Il s’agit seulement des poèmes écrits depuis sa sortie de prison, couvrant la période 1984-2014. Son engagement contre l’apartheid lui valut sept ans d’enfermement, rappelez-vous.
Breytenbach a choisi ce titre en référence à Matisse qui affirmait qu’il fallait continuer de peindre jusqu’à ce que la main se mette à chanter. Précisément, notre poète est aussi peintre, et philosophe de surcroît. C’est un des rares Sud-Africains profondément engagés dans le développement culturel du continent. Au sein de l’Institut Gorée qu’il a fondé en 1992, il cherche à briser les barrières entre anglophones, lusophones, francophones et arabophones. On lui doit la tombe du poète inconnu à Rotterdam et le festival DIOW (Dancing in Other Words) à Stellenbosch dont on parlera bientôt.
La force des poèmes de Breytenbach réside dans ses images, ses couleurs, ses métaphores surprenantes. Un petit couplet pour la route ?
Que signifie le mot coquillage
Sans l’incessant baiser de la mer
Si je ne peux marcher seul
Vers les derniers feux de l’aurore ?
Les jurés du Nobel récompensent de temps à autre un poète. La dernière fois, il s’agissait de Tomas Tranströmer, un Suédois.
* Die singende hand, Human & Rousseau, 2016
Georges Lory est un fin connaisseur de la vie politique et culturelle de l’Afrique et tout particulièrement de l’Afrique australe. Ex-diplomate, il a notamment été conseiller culturel en Afrique du Sud de 1990 à 1994. Ancien journaliste, il a aussi été directeur des Affaires internationales à RFI.
Ecrivain polyglotte, Georges Lory a aussi traduit, entre autres, les œuvres du Néerlandais Adriaan van Dis, du Prix Nobel de la littérature Nadine Gordimer et des poètes afrikaners comme Breyten Breytenbach ou encore Antjie Krog.
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