Trois photographes plongés au coeur de la crise des réfugiés

Au 28ème festival de photojournalisme Visa pour l'Image, qui se tient à Perpignan jusqu'au 11 septembre, la crise des réfugiés hante les esprits. Les images, plus fortes les unes que les autres dérangent et culpabilisent. Trois photojournalistes, trois regards sur ceux que l'on ne sait  même pas nommer : les migrants, les déplacés, les réfugiés... Eux ont su les photographier, droits dans les yeux, sans détourner le regard : Aris Messinis, Marie Dorigny, Yannis Behrakis. 

De notre envoyée spéciale à Perpignan

∎ Scènes de guerre en zone de paix, Aris Messinis

« Quand vous couvrez la guerre, vous savez à quoi vous attendre…Quand vous êtes dans une zone de paix, dans un pays de l’Union européenne qui plus est, vous ne vous attendez pas à voir ça », résume le photographe de l’AFP, Aris Messinis, bouleversé par ce qu'il a vu, bouleversé aussi quand on lui demande ce qu'il pense du choix de certains organes de presse qui refusent de publier des photos d'enfants blessés, choqués ou morts. « Qu'ils ferment les yeux s'ils le souhaitent. Oui, mes photos sont dures, dérangeantes. Mais nous devons regarder la réalité en face, sinon nous n'aurons pas le courage de régler ce problème. » Aris Messinis a photographié l'insoutenable. Il l'a regardé bien en face.
Aris Messinis a remporté cette année le Visa d'or, categorie news pour ce travail.

Displaced. Femmes en exil, Marie Dorigny

C'est sur la route des Balkans que s'est rendue Marie Dorigny. Elle est allée en Grèce, puis en Macédoine et en Allemagne à la rencontre des familles qui fuient. « Je ne découvrais pas ces scènes, je les avais vues, comme tout le monde à la télévision et j'avais déjà travaillé sur les migrations, donc que je savais à quoi m'attendre. Mais quand on voit ces gens qui nous ressemblent, qui pourraient être nous, ça nous prend directement aux tripes et au coeur. Et c'est cela qu'il ne faut pas perdre de vue », martèle Marie Dorigny qui se souvient de l'histoire de sa mère fuyant l'Allemagne avec ses parents pendant la Seconde Guerre mondiale. Scènes de détresse, de peur, de solidarité aussi, les clichés de ces femmes nous plonge dans la spécifité même du phénomène : ce sont des femmes, des enfants, des clans entiers qui sont au coeur de la tragédie.

Les chemins de l’espoir et du désespoir, Yannis Behrakis

Yannis Behrakis prévient le public tout de suite : « Je déteste la guerre mais je veux rendre compte des souffrances endurées. Je veux que le spectateur se sente mal à l'aise, averti et peut-être même coupable. » Et pourtant... Chez ce photographe grec, l'espoir est une profession de foi. Même s'il y a beaucoup de souffrance, il y a toujours quelqu'un pour aider, il en est persuadé. « Je sais que mes photos sont dures, mais ne voyez pas que cet aspect là... Faites un effort et vous verrez, il y a aussi beaucoup d'espoir. Sur cette photo, notamment, le père tient bien ses deux enfants. Il ne les laisse pas tomber. Il les protège ». Et c'est vrai... beaucoup de mains tendues, des gestes de supplication mais énormément de dignité. Une photographie peut-elle changer les choses ? « Oui, et c'est pour cela que je suis là ». 

Partager :