Paul Verhoeven se laisse dominer par «Elle»

C’est un film violent, tourmenté, malsain, et diaboliquement bien interprété par une Isabelle Huppert en très grande forme. Avec Elle, le réalisateur du thriller érotique culte Basic Instincts, Paul Verhoeven, revient sur le devant de la scène au Festival de Cannes. En attendant le palmarès, annoncé ce dimanche 22 mai, il fait ce samedi soir la montée des marches au Palais des festivals avec cette adaptation d’un roman de Philippe Djian, Oh.

Quand une voisine inconnue vous agrippe le bras pendant le film, effrayée par ce qu’elle voit à l’écran, vous avez compris... Paul Verhoeven a de nouveau touché en plein dans le mille. Elle est un thriller pervers et cynique, très inconfortable à regarder, avec un scénario tirant sa jouissance des personnages profondément tourmentés.

A-t-on rêvé ?

Une scène de viol donne le ton. Un inconnu, habillé en noir, avec une cagoule sur la tête, entre dans l’appartement d’une femme et la prend violemment au sol. Encore sous le choc, le spectateur voit cette femme se relever pour continuer sa vie comme avant. A-t-elle rêvé ? A-t-on rêvé ? Etait-ce un jeu sadomasochiste ou un vrai viol ? Rien ne semble pouvoir perturber cette directrice d’une grande boite de production de jeux vidéo.

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Le plaisir de la violence

Raconté avec le sourire, tout le film tourne autour d’Elle, Marie, une femme d’affaires couronnée de succès et sexuellement très libérée. Attirée par des plaisirs pervers pleins de violence, elle est hantée par une histoire très lourde de son passé. Son ancien mari Richard (Richard Berling) est tout le contraire : écrivain fauché, il est très sensible et à la quête d’émotions innocentes.

Son fils, Vincent (Jonas Bloquet), est visiblement obsédé de devenir un bon père. Au point de faire l’autruche quand le bébé sortant du ventre de sa compagne, n’a pas tout à fait la même couleur de peau que lui. Est-ce lié au fait que sa mère lui avait fait allaiter par une autre mère pour consoler celle-ci de son mort-né ? Et puis, il y a la mère excentrique de Marie, Irène (Judith Magre), oscillant entre botox et escort boys.

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Prendre possession de sa vie

On commence mieux à comprendre les névroses familiales quand Marie raconte à son charmant voisin (Laurent Lafitte) le traumatisme de son enfance. Depuis, elle a décidé d’oublier ce père condamné à perpétuité et de prendre possession de sa vie. Elle décide d’attraper elle-même le violeur, de rester la femme dominante qu’elle est devenue…

Semer le doute

Nous revoilà jetés dans l’univers ambigu, nourri par la mort et la perversité, créé par Paul Verhoeven. Comme dans un jeu vidéo, on ne sait jamais où s’arrête la fantaisie tordue et où commence la réalité cauchemardesque. On est tiraillé entre pulsions sexuelles et idées morbides, entre catholicisme bienveillant et exorcisme vicieux. A la fin, on doute de tout et surtout de soi-même. Elle alias Paul Verhoeven a atteint son but.

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