Georges Clemenceau: le Tigre a toujours des choses à nous dire

On ne présente plus Jean-Noël Jeanneney. Tout juste peut-on se permettre de rappeler qu'il est historien, spécialiste de l'histoire contemporaine. Il fut président de Radio France, de RFI, de la Bibliothèque nationale de France et secrétaire d'Etat. Son oeuvre est considérable. Dans son dernier livre, Clemenceau. Dernières nouvelles du Tigre (CNRS Editions), il nous montre que l'ancien président du Conseil nous parle encore. Sans doute doit-on l'écouter.

D'emblée, Jean-Noël Jeanneney le souligne dans la quatrième de couverture de son ouvrage : « Revendiqué désormais par nombre de nos dirigeants politiques, sujet de films et d'expositions à succès, le souvenir de Clemenceau n'a jamais semblé aussi vivant, aussi stimulant [...] Tout au long de son chemin, le Tigre ne cessa pas de rompre fougueusement avec tous les conformismes et, sans relâche, de faire de sa vie entière un combat ».

Médecin, élu municipal, député, sénateur, ministre de l'Intérieur (on lui doit les fameuses brigades du Tigre), chef de gouvernement, journaliste, écrivain, Clemenceau a été tout cela entre sa naissance en 1841 et sa mort en 1929.
L'Histoire a retenu son rôle pendant la Grande Guerre. Ne l'a-t-on pas surnommé le « Père la victoire » ?

Dans son livre, Jean-Noël Jeanneney (dont un des aïeuls fut ministre du grand homme) reprend quelques points de l'action de celui qui était l'ami de Claude Monet.
Il nous apprend, ou nous rappelle que Clemenceau s'opposa à Jules Ferry à propos de la colonisation. Quand, en 1884 ce dernier parlait « du devoir des races supérieures de civiliser les races inférieures », lui, répondait ceci : « La conquête que vous préconisez, c'est l'abus pur et simple de la force que donne la civilisation scientifique sur les civilisations rudimentaires pour s'approprier l'homme, le torturer, en extraire toute la force qui est en lui au profit du prétendu civilisateur ».

La férocité du Tigre

L'auteur évoque aussi la férocité de Clemenceau à l'égard de ce que nous appelons aujourd'hui la classe politique. L'homme de gauche, tombeur de gouvernements, avait la dent dure. Sa férocité lui attira pas mal d'inimitiés. A propos des parlementaires, il dit un jour : « Il est bien dommage que la Seine ne passe pas un peu plus à gauche, elle nettoierait tout cela ! ». Il était particulièrement dur avec le Sénat qui, note Jean-Noël Jeanneney, constituait pour Clemenceau « un organisme destiné à assurer un conservatisme de la société contre toute l'énergie que peuvent déployer les combattants de la réforme politique et sociale ». Certains se demanderont si tel est toujours le cas aujourd'hui...

Dans son livre, l'historien rappelle à ceux qui voudraient l'oublier que Clemenceau fut un homme de gauche. Au fil des pages, l'auteur analyse La Mêlée sociale, un ouvrage réunissant une partie des articles de combats du Tigre.

Le journaliste

L'homme fut aussi un homme de presse. Sa vie est jalonnée de journaux qu'il a créés ou auxquels il a collaborés. C'était un journalisme de combat. En faveur de Dreyfus, par exemple. « Si je voulais paraphraser Corneille à propos de Richelieu, je dirais qu'il m'a fait trop de bien pour que j'en dise du mal et trop de mal pour que j'en dise du bien. J'ai été journaliste. Je le suis, je le serai toujours. Avec du papier, de l'encre et une plume, que ne fait-on pas, depuis le compte-rendu d'une conférence jusqu'au livre du penseur isolé par qui germera la révolution ? »

Dans son ouvrage précieux qui nous console d'une certaine médiocrité politique actuelle, Jean-Noël Jeanneney évoque aussi le combat de Clemenceau, écologiste avant la lettre, contre la « céruse », un composant mortifère de la peinture, de son amour de la culture grecque et met les points sur les i à propos de la controverse autour de la signature du traité de Versailles le 28 juin 1919. A-t-il été trop sévère avec l'Allemagne ?

La lecture du livre de l'historien, homme de radio, est vivement conseillée en ces temps de disette où l'homme d'Etat se fait rare.

Pour en savoir plus :

Jean-Noël Jeanneney est l'invité du magazine Idées, dimanche 10 avril 2016 à 15 h 10 TU. L'émission a été enregistrée dans l'ancien appartement de Georges Clemenceau, devenu un musée qu'il faut absolument visiter.

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