Quand Pierre Rosanvallon part à la recherche du bon gouvernement

A une époque où la politique n’a plus bonne presse (a-t-elle d’ailleurs eu un jour une bonne réputation ?), où le divorce entre politique et citoyens est consommé, il est plus que jamais indispensable de se tourner vers les intellectuels qui cherchent des voies nouvelles afin de mettre fin à cette défiance. Pierre Rosanvallon est de ceux-là. Il publie Le bon gouvernement, au Seuil.

Le bon gouvernement est le quatrième volet du travail de Pierre Rosanvallon sur les mutations des démocraties contemporaines (1). Il y étudie les relations entre gouvernants et gouvernés. Il y formule en outre des propositions concrètes.

Pierre Rosanvallon est une figure engagée mais discrète du paysage intellectuel français. Cette discrétion ne veut pas dire qu’il se réfugie derrière ses recherches. Au contraire. Dipômé de l'École des hautes études commerciales de Paris (HEC), ancien secrétaire confédéral de la CFDT, proche de l'ancien ministre socialiste Jacques Delors, Pierre Rosanvallon aurait pu faire de la politique ou se destiner à l’enseignement. Il a choisi la recherche : « Je suis devenu universitaire pour apporter une réponse plus solide à une question matricielle », écrit-il, dans la postface de La démocratie à l’œuvre, le livre qui lui est consacré au Seuil.

Ce professeur au Collège de France (chaire « histoire moderne et contemporaine de la politique »), dirige La République des idées, un laboratoire d’idées (think tank) influent. Il prône le débat d’idées « citoyen » avec son site laviedesidées.fr. Il est aussi éditeur.

Défaut démocratique

Dans Le bon gouvernement, Pierre Rosanvallon fait un constat : « nos régimes peuvent être dits démocratiques, mais nous ne sommes pas gouvernés démocratiquement ». Nous élisons des représentants, à commencer par un président de la République, mais nous nous sentons abandonnés, voire trahis par ceux-ci. « Pour les citoyens, le défaut de démocratie signifie ne pas être écoutés, voir des décisions prises sans consultation, des ministres ne pas assumer leurs responsabilités, des dirigeants mentir impunément, un monde politique vivre en vase clos et ne pas rendre assez de comptes, un fonctionnement administratif rester opaque », explique l’auteur. Cela pose donc la question de la façon de gouverner. Pierre Rosanvallon parle d’ailleurs du « mal gouvernement qui ronge aussi en profondeur nos sociétés ».

Dans son ouvrage, ce théoricien de ce que l’on appelle « la deuxième gauche », c'est-à-dire la gauche social-démocrate, s’intéresse d’abord aux relations entre gouvernants et gouvernés. Il analyse, chapitre après chapitre, trois « éléments constituants » qu’il estime indispensables aujourd’hui pour les améliorer alors que l’air du temps est plutôt au « tous pourris » : la lisibilité, la responsabilité et la réactivité qui, respectées, pourraient « dessiner les contours d’une démocratie d’appropriation ».

Puis, il étudie les qualités qu’il faut (ou qu’il faudrait) pour être un bon gouvernant. Selon lui, il y en a deux essentielles, l’intégrité et le parler vrai.

Pierre Rosanvallon prévient. « Ces qualités ne sont pas appréhendées pour dresser un portrait-robot idéalisé » mais pour fonder ce qu’il appelle une « démocratie de confiance ». Confiance définie comme une « institution invisible » alors que les partis politiques « qui ont joué un rôle majeur dans le fonctionnement du modèle parlementaire-représentatif de la démocratie » souffrent eux aussi d’un discrédit certain.

Une démocratie renaissante ?

Cette détestation de la politique, dans la plupart des démocraties, marque-t-elle la fin de celles-ci ? Ou au contraire, le début d’autre chose ? Pierre Rosanvallon penche pour la deuxième hypothèse. « Nous sommes aujourd’hui arrivés à la fin d’un cycle ». Après la révolution du suffrage universel, il faut passer à autre chose. A ce que l’on pourrait appeler la démocratie représentative transparente.

Soucieux d’apporter sa contribution au débat sur la réforme des institutions, il propose la création d’un « Conseil du fonctionnement démocratique » et la rédaction d’une « Charte de l’agir démocratique » qui aurait la même force, le même statut que la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.

Pierre Rosanvallon est décidément un défricheur. « Mon but, écrit-il, est de donner des instruments d’analyse, d’accroître la capacité des citoyens de s’impliquer dans la cité et non de les faire adhérer à un système ».

Pour en savoir plus :
L'émission Idées, dimanche 27 septembre à 15h10 TU vers le monde et Paris, à 16h10 TU vers l'Afrique ; rediffusion lundi 28 septembre à 00h10 TU vers le monde et Paris.

(1) – Après La Contre-démocratie, La Légitimité démocratique et La Société des égaux (Seuil).

Partager :