C’est un crash test cinématographique pour les zygomatiques. Les Nouveaux sauvages nous sert une série d'histoires à péter de plombs, et ce à un rythme infernal. Avec un sens irréfutable pour l’action qui tue, Damian Szifron met en scène des situations de la vie quotidienne qui mène inéluctablement à la catastrophe.
Ça commence avec une scène anodine à bord d’un avion. Un critique de musique classique drague un mannequin. Il s’avère que monsieur connaît l’ancien petit ami de la belle et en parle avec un dégoût exquis. Quand ils découvrent, qu’il y a encore d’autres passagers qui ont croisé et détesté l’homme en question, une institutrice, un psychiatre, un ancien de l’école…, c’est déjà trop tard. C’est l’ancien souffre-douleur qui a organisé le voyage et pilote l’avion à destination d’Apocalypse Now.
Le deuxième épisode part d’un petit accrochage sur une route perdue dans les montagnes. Le chauffeur d’une limousine noire insulte le conducteur d’une petite voiture délabrée qui lui a barré la route. Suit alors un enchaînement de violences d’une barbarie totale, mais présentée sous une forme de slapstick où même les coups et l’étranglement déclenchent l’hilarité.
Une gaieté malsaine rarement connue
Ce n’est pas un hasard si Damian Szifron s'octroie l’avatar du renard dans le générique du film. Avec une caméra qui bouge sans cesse et des dialogues ciselés qui forcent le trait, Damian Szifron introduit avec intelligence une gaieté malsaine rarement connue. Comme dans cette histoire où la serveuse d‘un petit restaurant reconnaît dans un client l’homme qui avait poussé son père au suicide. Le résultat est aussi sanglant qu’un massacre à la tronçonneuse. Mais qu’est-ce qu’on rit bien chez Szifron avec la recette de mort-aux-rats dans les frites et le couteau de la grosse cuisinière qui vide ce « connard » comme un poulet sous les airs de « Lady, Lady, Lady… ».
Certaines scènes rappellent la cruauté affinée dans A Touch of Sin. Mais là où le Chinois Jia Zhang-Ke nous livre une fresque assassine d'une société et d'une civilisation qui déraillent, l’Argentin Damian Szifron s’arrête à des satires autour de cas individuels pour provoquer le rire.
Incroyablement réussi aussi, l’histoire du mariage survolté où la mariée découvre pendant la valse la maîtresse de son mari. Elle se vengera en faisant suer sang et eau son chéri dans une soirée qui se transformera en hôpital ambulant et comédie poignante. Il y a aussi le récit de l’ingénieur spécialisé en explosif qui perd toute son existence à cause d’une voiture mal garée et mise à la fourrière. Son sentiment d’injustice (« le marquage sur le sol était effacé ! ») est tel, qu’il rate l’anniversaire de sa fille, divorce de sa femme et perd son job à cause de ses bagarres stériles avec l’administration. Désespéré, il fait exploser le parking de la fourrière. « Bombita » finira bien en prison, mais il sera fêté comme un héros par la société entière.
Racheter la bêtise
Et pour finir en beauté : le père soucieux de racheter la bêtise de son fils qui avait tué une femme enceinte avec la voiture paternelle. Le jardinier dévoué accepte de jouer l’assassin, le procureur et l’avocat donnent aussi leur prix, mais les exigences des corrompus atteignent de tels sommets que le père se rend compte qu’il sera peut-être préférable pour sa bourse que son fils aille en prison !