« Les sceptiques seront confondus », dit Diane, la mère de Steve. Diane c’est la Mommy dans votre film, la maman jeune veuve sexy qui récupère la garde de son fils qui a voulu mettre le feu à son centre éducatif. Comment est née l’histoire de Mommy exactement ?
Elle est née de plusieurs choses bricolées ensemble, notamment un article que j’ai lu dans le Reader’s Digest sur une mère qui, dans les années 2000, décide d’abandonner son fils à troubles comportementaux assez sévères. C’était un enfant beaucoup plus jeune qui avait 7 ou 8 ans et qui était violent avec elle, envers son plus jeune frère, et qui lui faisait de plus en plus peur. A ce moment, dans cet État et dans quels autres, il y avait un projet de loi nouvellement voté qui permettait aux parents qui étaient en charge d’enfants à troubles comportementaux ingérables et qui avaient un certain revenu, un certain profil et un certain pedigree et qui venait d’un certain acabit, cette loi permettait à certains parents en détresse d’abandonner légalement ces enfants dans les hôpitaux, sans autre forme de procès. Cet article était l’étincelle du départ, mais après, il y avait plein d’autres choses, j’ai rencontré Antoine-Olivier Pilon [qui joue le rôle de Steve, ndlr] sur le tournage de College Boy pour le groupe Indochine. Et quand j’ai vu Antoine-Olivier Pilon, je me suis dit : « c’est Steve ». Après j’avais entendu une chanson qui m’a inspiré une scène. Il y a plein d’éléments qui rentraient en jeu.
Comment décririez-vous Steve ? C’est un personnage hyperbolique, hyper attachant, mais aussi hyper violent.
C’est surtout un personnage malade qui n’a pas le contrôle de ses soubresauts émotifs. C’est un jeune homme extrêmement explosif, mais il est avant tout charismatique, drôle, assez vulgaire, mais moi, personnellement, je n’ai aucun problème avec la vulgarité.
Est-ce qu’il est dans l’excès d’amour ?
Oui, il est défini par son excès d’amour pour sa mère. C’est un jeune homme qui souffre d’un trouble d’attachement. C’est un enfant qui n’est jamais rassasié par l’amour que lui témoigne sa mère. L’amour de sa mère est toujours insuffisant, toujours inférieur à l’amour que lui ressent pour elle. C’est un enfant qui n’est jamais convaincu par la véracité des sentiments que sa mère éprouve pour lui. Il est prêt à dire que sa mère est lassée de lui, que sa mère préfère l’autre à lui, que sa mère ne l’aime pas assez ou n’aime plus… C’est un trouble qui résulte souvent en un assassinat ou un suicide, parce que c’est plus facile pour cet enfant de tuer sa mère ou de tuer lui-même, ou de préférer de vivre avec la culpabilité d’un meurtre plutôt que l’infinité d’un doute par rapport à la réciprocité de son amour.
Vous avez beaucoup fait allusion à la mère. C’est le titre de votre film, Mommy. Il arrive cinq ans après votre film J’ai tué ma mère sur cette relation très explicite sur un amour-haine entre Hubert que vous jouiez et sa mère Chantal. Est-ce que Mommy rééquilibre votre filmographie ?
Je n’arrive pas à penser Mommy comme un film qui a été fait envers ou contre un autre film ou comme un film qui a été fait comme une réponse à un autre film. Les associations entre les deux peuvent être superficielles, notamment entre J’ai tué ma mère, Mommy et [la comédienne, ndlr] Anne Dorval. On parle de temps, de styles tellement différents, un film anecdotique sur une crise d’adolescence, l’autre est un film beaucoup plus socialement engagé sur une crise existentielle, des personnages diamétralement opposés, des univers, des classes sociales complètement opposés.
Ce n’était pas conscient de dire : « J’ai aimé ma mère » après avoir fait le film J’ai tué ma mère ?
J’aimais déjà ma mère quand j’ai fait J’ai tué ma mère. C’est la mère qui gagne dans J’ai tué ma mère. La mère gagne toujours dans mes films.