Helon Habila: portrait d'un critique de l'«American way of life»

De nombreux romanciers et intellectuels africains enseignent au sein de prestigieuses universités américaines. Alain Mabanckou, Achille Mbembe et d'autres encore. Cela ne les empêche pas de porter un regard critique sur le pays qui les accueille plusieurs mois chaque année. L’auteur nigérian Helon Habila s’est installé en 2007 à Centreville, en Virginie, où il enseigne la littérature et l’écriture. Il est le lauréat 2001 du Prix Caine pour la littérature africaine anglophone.

Helon Habila a adopté certaines habitudes américaines dont « le double tasking », à savoir qu'il fait deux choses à la fois : il parle à son interlocuteur mais ses yeux ne quittent pas l’écran et internet. La toile a beau être large et mondiale, l’univers des étudiants américains, selon lui, demeure étroit, c’est pourquoi il les introduit à la littérature africaine. « J’essaie autant que possible de les diriger vers une autre littérature, explique-t-il, une littérature qu’ils n’auraient pas découverte avec leurs professeurs américains. Parce quand vous enseignez la littérature d’une région vous leur apprenez aussi l’histoire des lieux, leur politique, leur culture ».

Le dernier roman du quadragénaire originaire de Gombe, dénonce la cruauté des multinationales qui exploitent les ressources pétrolières du delta du Niger, au mépris de l’environnement et des communautés d’agriculteurs et de pêcheurs. Son livre, intitulé Du pétrole sur l’eau a eu un certain écho aux États-Unis, car il a été publié en 2010, dans la foulée de la marée noire qui a souillé les côtes de la Floride et de la Louisiane.

Rivières souillées, cultures dévastées

« Ils étaient horrifiés, quand je leur ai dit que ce qui s’est produit juste une fois dans le golfe du Mexique, se produit chaque année au Nigeria, où des rivières ont été totalement souillées, des cultures ont été dévastées. Or c’est ça la réalité de la plupart des habitants du delta du Niger, les Américains n’en savaient rien », s’exclame l’auteur nigérian. « Le Nigéria a beau être le septième exportateur de pétrole du monde, eux ils font le plein d’essence de leurs voitures, et ils roulent, poursuit-il. Ils chauffent leurs maisons, et ils ignorent que ce pétrole a un coût pour les régions où ce pétrole est exploré et foré ! »

Les Nigérians souffrent des dégâts collatéraux de l’« American way of life », Helon Habila, qui émet aussi des réserves sur le modèle démocratique américain. « Ils essaient toujours d’exporter leur modèle de démocratie dans le monde entier, et surtout en Afrique. Mais aux Etats-Unis, aux nouvelles, on parle sans cesse des querelles entre démocrates et républicains, et de l’âpreté des disputes entre Obama et le Congrès ! Or, quand vous venez d’un pays du tiers monde, vous voulez qu’il soit démocratique, qu’il soit comme les Etats-Unis. Mais là, aujourd’hui, on se demande si c'est cela, le futur de la démocratie ? ».

Helon Habila songe néanmoins à candidater pour obtenir la nationalité américaine, même s’il n’a pas l’impression d’appartenir au pays de l’oncle Sam.

Partager :