C’est l’histoire angoissante d’un homme dépossédé d’un rein en pleine nuit après une soirée arrosée. Le lendemain matin, ce quadragénaire carriériste et fêtard se retrouve abandonné au bord d’une rivière et ne se souvient absolument de rien. Juste la cicatrice au bas du dos lui renvoie à la cruauté de l’opération subie. De cette histoire improbable à la Almodóvar (La Peau que j’habite), Arnold de Parscau en a tiré dans son premier long métrage un polar très noir, parfois trop stylé et souvent à la limite du drame obsessionnel.
A 25 ans, le jeune réalisateur aborde dans Ablations un univers troublant, celui du trafic d’organes qui fait basculer un homme dans la folie totale. Le contexte du trafic d’organes reste dans l’histoire très flou, mais même en filigrane, il n’est pas moins angoissant que le film lui-même.
Juste en France, on compte aujourd’hui plus de 67 000 patients en insuffisance rénale terminale. Et la liste d’attente pour une greffe de rein s’allonge d’année en année. En 2012, quelque 13 333 patients attendaient une transplantation, or seuls 3 069 patients ont pu être transplantés. En 2011, on estimait à 216 le nombre de personnes mortes faute de greffon disponible. En France, le trafic d’organes est puni de sept ans de prison et plus de 100 000 euros d'amende. Hélas, au niveau international, le commerce illégal d’organes défraye régulièrement la chronique, parfois avec des saisis sur des personnes à leur insu…
Quel prix est-on prêt à payer pour obtenir un rein ? Et jusqu’où va la haine de quelqu’un à qui on l’a volé ? Arnold de Parscau n’est pas Hitchcock, mais il se fait un malin plaisir d’ausculter les méandres du traumatisme psychique de cet homme et père de deux enfants dont l’existence bascule et la famille explose. Avec des grands plans et des horreurs qui planent hors cadres, le réalisateur explore le cheminement de la folie remplie de visions cauchemardesques : de l’opération sauvage au fond d’une piscine jusqu’à l’étouffement dans un océan de gélules et des scènes sanglantes. Âmes sensibles s’abstenir !
Denis Menochet avait fait impression à Benoît Delépine (Mammuth, Louise-Michel, Le Grand Soir) avec son apparition dans Inglorious Basterds de Quentin Tarantino. Dans Ablations, il incarne avec fougue cette quête obsessionnelle d’un homme prêt à tout pour retrouver l’intégrité de son corps. Son personnage Pastor sait parfaitement qu’un seul rein suffit pour vivre, mais l’ablation de cet organe vital lui fait perdre la raison.
En passant, on croise également les formidables Yolande Moreau et Philippe Nahon qui campent un vieux couple de chasseurs de reins aussi diabolique que féerique. Une histoire truffée d’humour sombre qui nous procure plein de rebondissements.