Ils sont jeunes, passionnés d'informatique. Et pour chacune des images qu'ils filment, ils risquent leur vie. Les cyberdissidents en Syrie sont traqués par les Moukhabarat, la police secrète. A partir de leur connexion internet, ils sont identifiés, emprisonnés et torturés.
Le nerf de la guerre c'est donc du matériel de pointe qui permet de préserver leur anonymat. Ausama Monajed appartient au réseau Shaam News. Installé à Londres, il centralise le travail des cyberdissidents sur place. « Pour ne pas être repéré, il est indispensable d’utiliser un équipement satellite, des téléphones satellites qui ne peuvent pas être découvert par le régime syrien. Ensuite, les images sont transférées à un centre opérationnel à l’étranger. On y édite les vidéos, on les vérifie et on les diffuse dans le pays pour que les gens sur place sachent ce qui se passe dans chaque ville, dans chaque village. Avec ces images, on aliment également des médias comme Al-Jazeera, CNN ou la BBC. »
Bambuser, l’une des révélations des révolutions arabes
De Sydney à Los Angeles, le réseau s'organise et s'étoffe de jours en jours. Des cellules de communication et logistique ont été mises en place. Des guides expliquent la marche à suivre pour participer à cette guerre des images sans être repéré. Les logiciels jouent également un rôle crucial pour transmettre les images une fois tournées. YouSendIt permet de poster des vidéos sur YouTube sans laisser de trace. Et surtout, la plateforme suédoise Bambuser. Pour Lucie Morillon, responsable du bureau Nouveaux Médias à Reporters Sans Frontière (RSF), elle est un atout clé pour déjouer la censure que subissent les médias traditionnels. « Bambuser a été l’une des grandes révélations des révolutions arabes, parce que c’est un outil pour diffuser en direct des images de ce qui se passe, de plus en plus utilisé par les cyberdissidents et des médias traditionnelles qui sont à la quête d’images parce que leurs propres journalistes ne sont pas en mesure de récupérer ce genre d’images. Cela demande plus de vérifications, de se baser sur des réseaux de confiance, des réseaux d’informateurs éprouvés etc. Cela donne plus de travail de vérifications aux journalistes, mais, en revanche, cela crée toute une possibilité de source et de matériel utilisable qui n’existerait pas sans ces journalistes citoyens. »
Al-Jazeera est la première chaîne à avoir diffusé des images de dissidents en direct grâce à Bambuser. Elle les avait d'abord refusées. Et puis son bureau de Damas a été fermé; une de ses journalistes arrêtée. Du côté diplomatique, les Etats-Unis ont fait pression sur l’émir du Qatar, en visite à Washington. Depuis, la chaîne qatarie courtise les réseaux d'exilés pour obtenir les images des révoltes en exclusivité. Mais la police secrète du régime syrien redouble elle aussi d'effort.