"Il me faut un point de départ, ne serait-ce qu'un grain de poussière ou un éclat de lumière", disait Miró dont la créativité ne connaissait guère de limites. Et de la lumière, il y en a, au musée à Baden-Baden. Jean-Louis Prat, le commissaire de l'exposition Les couleurs de la poésie. « Le musée Frieder Burda est un musée de lumière dans un écrin de verdure. Et Frieder Burda a construit grâce à Richard Meier, l'architecte américain, un lieu tout à fait étonnant qui est à la mesure de l'homme. »
Les choses les plus simples me donnent les idées.
L'homme à l'honneur dans ces murs en verre, c'est le fils d'un orfèvre et horloger à Barcelone qui, pendant les 90 ans de son existence, n'a pas arrêté de créer et d'inventer. « Miró dit: les choses les plus simples me donnent les idées; ça sera vrai aussi avec la céramique et la sculpture où il assemblera des objets récupérés en se promenant au long d'une plage, des bois, et qui, si elles se trouvent assemblées à d'autres formes, vont créer un nouveau monde de la sculpture parce qu'il veut s'étonner lui-même; ça n'est pas de créer ce qu'il a fait la veille, il n'y a jamais de redites chez Miró. »
Comment présenter 60 ans de création abondante dans une seule exposition? Jean-Louis Prat, qui connaissait de près l'homme et son atelier, a trouvé une solution plutôt inhabituelle. « Le parcours chronologique, bien sûr, mais le parcours chronologique n'en est pas tout à fait au Musée Frieder Burda puisque je commence par la fin de son œuvre et je termine par le début. »
L'espoir, c'est quoi? C'est trois couleurs: jaune, rouge, bleu.
Un début visiblement inspiré par van Gogh, Picasso et Matisse, puis des surréalistes. Le fascisme laisse sa marque avec des couleurs de feu, mais au cours des décennies, les toiles aux fonds colorés, ponctuées de courbes, de ronds et de signes se vident comme dans ce triptyque des années 70. « Miró a tracé une ligne incertaine qui dit la précarité de la vie. C'est tout simplement lié à une histoire qui était celle du dernier condamné à mort en Espagne et qui a été garroté, tué le jour où Miró a terminé ce tableau. Vous avez ce trait qui s'interrompt à un moment comme la vie s'interrompt, mais il y a quand-même l'espoir. Et l'espoir, c'est quoi? C'est trois couleurs: jaune, rouge, bleu. »
Chaque couleur, chaque signe porte une signification. Le langage de Miró est unique, jamais abstrait ni figuratif, mais tout simplement poétique. Ou comme l'explique son petit-fils, Joan Punyet Miró : « La poésie c'était pour lui l'étincelle qui allumait le feu, la peinture de la révolution. Mais il disait qu'il fallait casser la guitare de Picasso pour aller au-delà du domaine plastique. Donc, Miró a atteint le subconscient et le monde de rêve, le monde onirique grâce à la poésie. »