De notre correspondante à San Francisco, Manon Rivière
C’est dans le magnifique cinéma Castro, en plein cœur du quartier gay de San Francisco, que sera donné le coup d’envoi de cette 34ème édition de Frameline. Projeté en ouverture, The Secret Diaries of Miss Anne Lister dépeint les amours passionnés et impossibles d’Anne et Mariana dans le Yorkshire du début du 19ème siècle. Ce très beau film historique de James Kent est inspiré du journal intime tenu par une riche héritière anglaise, Anne Lister. Porté par des actrices incandescentes, le film met en lumière le poids des conventions sociales de la vieille Angleterre. Car si Anne est prête à s’afficher au bras de Mariana, cette dernière en est incapable et préfère se marier à un vieux Lord. Quitte à le regretter toute sa vie...
Entre réalité et hallucinations
C’est souvent de « choix » dont il est question dans les films présentés ici. Ainsi, dans Contracorriente le jeune et beau Miguel hésite entre une vie agréable mais sans passion auprès de sa femme Mariela et son amour contrarié pour Santiago, un peintre venu de la ville. Miguel se perd entre réalité et hallucinations, et ce n’est qu’une fois Santiago mort qu’il osera enfin avouer à tous son amour pour lui. Le décor-même de cette passion donne une force particulière au film, puisque l’action se déroule dans un minuscule village de pêcheurs, perdu sur la côte péruvienne. En révélant son homosexualité, Miguel vient chambouler tous les codes figés de cette microsociété, au risque de se voir rejeté par les siens.
Chef-d’œuvre
Présenté en clôture du festival, Howl, de Rob Epstein est sans aucun doute l’un des
films les plus attendus de cette quinzaine. « C’est un véritable chef-d’œuvre », estime même K.C Price, le directeur exécutif de Frameline. C’est à un poèmedécapant publié en 1955 par Allen Ginsberg, jeune poète homosexuel et visionnaire de la Beat Generation, que le film doit son nom. Mêlant du dessin animé à des images d’archives, Howl a la force d’un Valse avec Bachir, la dimension littéraire en plus. Dans Howl, Allen Ginsberg critique les limites du libéralisme. Une vision noire qui trouve un certain écho aujourd’hui alors que la crise économique mondiale redistribue les cartes et que les citoyens sont tétanisés par la perte probable de leur confort matériel.
Dimension politique
A côté des films de fiction, plus de 35 documentaires sont aussi présentés à San Francisco. Des films qui font bien souvent référence à l’activisme homosexuel. C’est le cas du film de Reed Cowan, 8 : The Mormon Proposition, qui revient de manière frontale sur la campagne « anti-mariage gay » lancée en Californie en 2008. Une campagne financée - selon l’auteur - par les courants fondamentalistes mormons de l’Utah et qui a conduit à une marche arrière inédite en terme de droits des homosexuels.
« Il est très important de continuer à montrer des films qui parlent de notre histoire et de notre combat, explique Jennifer Moris, la directrice du festival. Si à San Francisco nous avons la chance de vivre en paix, dans beaucoup de pays dans le monde, l’homosexualité est passible de prison, voire de mort, et les transsexuels sont tabassés dans les rues. C’est pour cela que même plus de 30 ans après sa création, ce festival continue d’avoir une utilité ! »
La Chorale homosexuelle de San Francisco
A suivre aussi le documentaire indépendant Out in the Silence. Les réalisateurs Joe Wilson et Dean Hamer, partenaires dans la vie, sont ici les héros du film. Ils racontent leur « pélérinage » dans la ville d’origine de Joe en Pennsylvanie, en tant que couple ouvertement gay. Enfin, plusieurs documentaires abordent le thème du SIDA. C’est le cas de Sex in a Epidemic qui s’attarde sur la difficulté qu’il subsiste à promouvoir des relations sexuelles protégées au sein de la communauté gay. Ou encore de The Chorus, du documentariste Thierry Vivier, sur la Chorale homosexuelle de San Francisco, décimée elle-aussi dans les années 90 par le VIH.