La presse française attend beaucoup de l’iPad et le secteur de l’édition se tourne lentement vers la nouvelle tablette numérique d’Apple commercialisée à partir de ce vendredi 28 mai 2010 en France. Mais il y a déjà une nouveauté avec cette seconde version de l’iPad : elle offre la possibilité de prendre un abonnement à un opérateur téléphonique ; pas pour téléphoner puisque la tablette n’a pas cette fonction, mais pour consulter internet. Du côté des opérateurs téléphoniques, la vente va se dérouler de manière très inhabituelle : les revendeurs Apple vont gérer le forfait du client et contacteront l’un des trois acteurs français de la téléphonie selon le choix de l’acheteur décidé dans un magasin FNAC ou Apple où l’iPad se trouvera au rayon des ordinateurs.
Malgré la possibilité de consulter internet, l’iPad n’aura peut-être pas le même succès en France qu’aux Etats-Unis. Car si le nouvel objet est esthétique et pratique, les premiers utilisateurs ont deux regrets : la tablette ne fait pas téléphone. Il est vrai que sa taille, relativement grande, ne s’y prête pas ; et l’iPad n’a pas d’appareil photo intégré. Mais la qualité est très bonne pour regarder des photos ou des vidéos, disent encore ces premiers utilisateurs.
En revanche ce qui va réellement compter, ce sont les applications conçues spécialement pour ce nouvel objet numérique. Elles feront son succès ou son échec. Ces contenus sont l’occasion de négociations financières très discrètes entre le fournisseur de fichiers qui veut son ticket d’entrée sur l’iPad et Apple qui impose son prix, prend un pourcentage.
Les tablettes sauveront-elles la presse française ?
En mai 2010, Media, le quotidien des professionnels des médias, donnait les résultats d’un sondage MCI (Mobile Consumer Insight) Médiamétrie indiquant que les Français téléchargent des applications sur leur téléphone essentiellement pour s’informer. Au cours des derniers mois, selon cette étude, 1 possesseur de smartphone sur 4 a consulté une application portant sur les actualités ; à égalité, la consultation de la météo. Viennent ensuite les jeux et les cartes et itinéraires pour se déplacer.
Tous les espoirs sont donc permis aux journaux qui ont lancé sur internet, depuis plusieurs années déjà, des versions électroniques inspirées de leur traditionnel journal en papier. Mais ces sites d’actualité sont presque tous gratuits. Qu’ils soient très lus ou moins, internet n’a pas arrangé les comptes de la presse papier dont le lectorat s’érode d’année en année.
Les attentes des éditeurs de journaux sont donc fortes du côté de l’iPad puisqu’en principe, ce nouvel outil permet de sortir de la gratuité. Car l’inventeur de l’iPad n’est pas philanthrope et prend 30% au passage lorsqu’il retient une application pour le contenu en français par exemple sur la tablette. Lagardère Active, qui possède de grands titres de la presse française comme Le journal du dimanche, Elle, Psychologies, ou encore Paris-Match, a décidé de jouer la carte de la nouvelle tablette américaine. Un contenu enrichi du célèbre hebdomadaire va avoir sa version iPad. De l’audio, de la vidéo et encore plus de photos, Didier Quillot y croit. Pour le président du directoire de Lagardère Active, la force de ce nouveau créneau est de partir de la version papier et de l’enrichir. Les rares personnes qui ont eu la tablette entre les mains le disent : ce n’est pas de l’internet comme devant un ordinateur. Tout est fait dans la navigation pour avoir l’impression de feuilleter un journal en papier.
Pourtant le passage au numérique n’est pas la seule solution pour sauver la presse du marasme. Pour Bertrand Pecquerie, directeur du World Editors Forum (association mondiale des rédacteurs en chef), la politique éditoriale d’un média joue également un rôle dans sa transformation au moment du passage au numérique. « Les sites des grands journaux britanniques affichent 40 millions de visiteurs uniques chaque jour alors que ceux des quotidiens français restent dans la zone des 6 ou 7 millions. Pour cela, ils ont largement misé sur l’international. Le Guardian par exemple, compte un tiers de son lectorat en Grande-Bretagne, un tiers aux Etats-Unis, et un tiers dans le reste du monde. En 2002, les proportions étaient de 80% en Grande-Bretagne, 5% aux Etats-Unis et 15% dans le reste du monde ».
Au moment où l’iPad arrive en France, on peut d’abord se demander qui achétera ce nouvel objet numérique à 499 euros pour le modèle basique. Autre inconnue, la tournure que prendront les négociations financières avec Apple. Elles obligeront peut-être les journaux à parier sans savoir s'ils gagneront de l’argent et quand, même s’ils font des économies sur le papier et la distribution dont le coût pèse sur les journaux. Et puis il y a les jeux, les livres électroniques. L’offre dans son ensemble devra être suffisamment attrayante pour que les «accros» au numérique abandonnent leur ordinateur ou leur smartphone.