Crise et climat ne font pas bon ménage

Seule contre tous, la commissaire européenne au Climat Connie Hedegaard a fini par se rendre ce mercredi 26 mai devant les Etats membres et l'industrie. Ces derniers rejettent sa proposition de réduire de 30% les émissions de gaz à effet de serre de l'Union européenne d'ici 2020. Les sceptiques ont obtenu gain de cause, épaulés par un contexte d'austérité.

« De toute évidence, la priorité politique immédiate est de gérer la crise de l'euro », a reconnu Connie Hedegaard, présentant à Bruxelles son rapport sur l’innovation propre et la croissance à la presse. « Faire passer ou non de 20 à 30% notre objectif en matière de réduction des émissions pour 2020 est une décision politique que les dirigeants de l'UE devront prendre lorsque le calendrier et les conditions s'y prêteront », a-t-elle ajouté.

Si la commissaire au Climat fait marche arrière aujourd'hui, c'est seulement au bout d'une longue bataille. Début mai encore, elle affichait sa détermination pour imposer aux 27 une réduction à 30%. Elle soutenait que cet effort était techniquement réalisable et économiquement intéressant.

Hedegaard conteste l’argument de la crise

L'industrie lourde qui représente 40% des 2,2 milliards de tonnes de CO2 émises chaque année rejetait déjà fermement cette option. Pour les représentants du secteur, l'UE ne doit pas prendre des engagements si les autres économies importantes du monde ne suivent pas. Ils préviennent d’une réduction des activités couplée de la suppression de nombreux emplois.

Mais Connie Hedegaard, elle, conteste l'argument de la crise. Selon la commissaire, le coût de la réduction de 20% a baissé depuis 2008, de 70 à 48 milliards d’euros par an. Porter l’effort à 30% reviendrait, à en croire la Commission, à 81 milliards d’euros par an.

Entretemps, la crise grecque et les plans de rigueur dans plusieurs pays européens sont passés par là. Pour les gouvernements en difficulté ce n'est donc pas le moment de songer à l'avenir de la planète.

Le couple franco-allemand rappelle à la raison

A la veille de l'annonce des recommandations de la commissaire Connie Hedegaard, le couple franco-allemand a fait front commun avec les patrons européens pour rappeler la Commission à l'ordre. Le point de vue berlinois a fait naître une opposition importante au sein même du collège.

Pour le ministre français de l’Industrie, il faut que les autres économies majeures prennent des engagements comparables pour que l’Europe fasse un effort supplémentaire. Christian Estrosi craint pour « la compétitivité et l'emploi au sein de l'UE ».

Son partenaire allemand, le ministre de l’Economie, prône aussi « une pause » dans la politique climatique de l'Union. Pour le libéral Rainer Brüderle, « après l'échec du sommet de Copenhague », il faut à l’Europe un temps d’adaptation.

Crépuscule climatique en Allemagne

Chancelière climatique à ses débuts, chancelière de crise par la suite, Angela Merkel semble donc avoir revu à la baisse son engagement dans la lutte contre le réchauffement climatique. Elle avait pourtant convoqué un dialogue fin avril afin de tenter de relancer les négociations mondiales sur le climat. Avec le président mexicain Felipe Calderon, hôte de la prochaine conférence de l'ONU sur le climat à Cancun, ils avaient établi un agenda chargé : atténuation des émissions polluantes, adaptation aux dérèglements climatiques, coopération technologique, lutte contre la déforestation, et surtout financement de la lutte contre le changement climatique.

Le groupe des Verts au Parlement européen dénonce de son côté le désengagement du couple franco-allemand sur le front du climat. « Après la crise grecque et celle de l'euro, la France et l'Allemagne ont démontré hier leur incapacité à traiter la crise climatique », estime l'eurodéputé Europe Ecologie Yannick Jadot dans un communiqué.

Les chefs d’Etat et de gouvernement doivent aborder le sujet lors de leur prochain sommet européen du 17 juin 2010. Les écologistes tirent déjà la sonnette d’alarme à Bruxelles : la crédibilité et le leadership de l’Europe dans les négociations climatiques est, selon eux, en jeu.

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