Lung Boonmee Raluek Chat : la Thaïlande vue de Cannes

Apichatpong Weerasethakul est un cinéaste qui concourt à Cannes pour la Palme d’or pendant que la Thaïlande se retrouve en pleine crise. Autrement dit, l’actualité brûlante confrontée à des séquences longues, ce qui relève du domaine de la patience et de la maîtrise de soi. Lung Boonmee Raluek Chat (Oncle Boonmee, celui qui se souvient de ses vies), un titre difficile à retenir, est le prolongement d’un court-métrage. Dans A Letter to Uncle Boonmee, le réalisateur évoquait en 2009 la répression dans son pays. Cette fois il montre l’oncle Boonmee à l’agonie. Souffrant de problèmes rénaux sévères, il a décidé de vivre ses derniers jours à la campagne. Soudain les fantômes de son passé énigmatique font leur apparition. 

Apichatpong Weerasethakul s’est fait remarquer à l’âge de 30 ans avec le documentaire Mysterious Object at Noon. Un documentaire peuplé d'habitants modestes de la Thaïlande et d'images improvisées. Né en 1970 à Bangkok, aujourd’hui dévasté après les violences de ce printemps, il fait déjà partie des habitués de la Croisette. En 2002 il avait obtenu le prix "Un certain regard" pour Blissfully Yours et en 2004 le prix spécial du jury avec Tropical Malady, où il explore la part d’ombre de sa sexualité. En 2010, Weerasethakul revient pour la troisième fois en sélection officielle.

Le jour où j’ai quitté Bangkok, la ville était vraiment à feu et à sang

Jusqu’au dernier moment, on pensait que le cinéaste thaïlandais ne viendrait pas à Cannes en raison de la situation politique de son pays. Mais Apitchatpong Weerasethakul a bien fait le voyage, même s'il se sent un peu décalé à Cannes : « C’est étrange, parce que le jour où j’ai quitté Bangkok, la ville était vraiment à feu et à sang.
Plus de  20 bâtiments brûlaient, il y avait des tirs isolés. Mais je pense aussi que c’est mon devoir de présenter mon film ici, et de parler de ce qui se passe dans mon pays.
Personnellement, je pense que cette guerre civile était inévitable parce que c’est une lutte entre deux classes, entre les riches et les pauvres. Et même moi, ça me remet en cause, ça m’oblige à choisir mon camp. Pour moi, c’est une bonne chose. Bien sûr, les morts et la violence sont épouvantables mais la colère du peuple thaïlandais a été réprimée pendant si longtemps que c’est une bonne chose qu’aujourd’hui elle explose.

Cette situation inverse les rôles

J’espère juste que cette crise va créer une prise de conscience, que le gouvernement sera plus à l’écoute du peuple. Les autorités font ce qu’elles peuvent pour censurer les informations, mais aujourd’hui, à l’âge d’Internet, c’est impossible, surtout si elles  veulent que l’on parle du pays comme d’une démocratie.
Donc cette situation inverse les rôles et force à chacun à changer.
»

 

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