A Moscou, une dose d’héroïne s’achète un peu plus de deux euros. Selon les statistiques officielles, le pays compte plus de deux millions d’héroïnomanes. 30 000 toxicomanes, dont un tiers de mineurs meurent chaque année d’overdose. Ici, point de « French connection », tous les regards se tournent vers l’Afghanistan.
L’année dernière, Boris Gryzlov, le président de la Douma, a publiquement accusé les États-Unis et l’Otan d’avoir fait de l’Afghanistan un « narco État ». « Lorsque 93% de l'héroïne sont accumulés dans un pays où se trouve un contingent de 100 000 hommes, c’est une honte », renchérissait alors Victor Ivanov, directeur du Service fédéral russe de contrôle des stupéfiants.
Depuis, les officiels russes ont quelque peu muselé leurs anathèmes. L’heure est à la coopération avec les Etats-Unis. Dimanche 23 mai, Victor Ivanov a transmis à son homologue américain neuf noms de barons de la drogue originaires d’Afghanistan et d’Asie centrale. Une première liste de 25 noms de trafiquants et de 175 laboratoires clandestins avait déjà été remise aux Américains.
Divergence de vue
Si les liens se resserrent, les objectifs et les moyens à mettre en œuvre diffèrent radicalement. En mars, lors d’une visite à Kaboul, Victor Ivanov a réclamé la destruction des champs de pavot afghans. Réponse du porte-parole de l’Otan, James Appathurai : « Nous ne pouvons retirer leur seule source de revenus à des gens qui vivent dans le deuxième pays le plus pauvre au monde si nous ne sommes pas en mesure de leur fournir une alternative. »
Il existe bien « une petite divergence de points de vue », concédait James Appathurai : « nous avons 120 000 hommes sur le terrain qui luttent contre l’insurrection et c’est le moyen le plus efficace de s’attaquer au problème de la drogue. » Frustré, Victor Ivanov réclame au moins la destruction des laboratoires. « C’est la tâche la plus urgente parce que ce sont des cartels déjà bien établis, avec une hiérarchie et une structure stables, des sources de financement et de l'équipement technologique pour produire de la drogue », insiste-t-il.
En Russie, les ONG d’aide aux toxicomanes dénoncent le double discours des autorités : « Le gouvernement est très véhément contre les États-Unis, mais il ne fait rien en terme de prévention, de traitement de la dépendance, ou de réduction des risques liés à la toxicomanie, notamment la transmission du VIH », explique Anya Sarang, qui milite depuis dix ans pour l’introduction des traitements de substitution à l’héroïne, telle la méthadone, farouchement interdite par les autorités russes. La jeune femme, à la tête de la Fondation Andrey Rylkov, rappelle qu’il n’existe aucun endroit à Moscou où les usagers de drogue peuvent obtenir des seringues propres de façon anonyme et gratuite.