Le film Hors-la-loi ou le choc des mémoires

Le douloureux souvenir de « la guerre d'Algérie » a fait l'événement ce vendredi 21 mai 2010 au Festival de Cannes. Hors-la-loi, de Rachid Bouchareb, est présenté en compétition pour la palme d'or. Un film qui déchaîne les passions puisqu'il raconte l'histoire d'une famille algérienne des années 1930 à l'indépendance en 1962 en passant par un des épisodes les plus sombres, celui de Sétif le 8 mai 1945. Sétif, petite ville dans l'Est algérien, où la répression de manifestations nationalistes par l'armée et la police françaises coûta la vie à des milliers d'Algériens - les chiffres vont de 2 000 à plus de 45 000 morts.

C'est un sport bien français que de lancer des polémiques sur des films sans les avoir vus. Depuis l'annonce de sa sélection à Cannes Hors-la-loi de l'Algérien Rachid Bouchareb déchaîne les passions. Ses détracteurs l'accusent rien de moins que de falsifier l'histoire franco-algérienne.

Rachid Bouchareb avait déja concouru à Cannes en 2006 avec son film Indigènes qui avait valu un prix d'interprétation masculine collectif à ses cinq interprètes principaux et fait trois millions d'entrées. Le film Hors-la-loi en est la suite. Rachid Bouchareb a voulu raconter l'histoire de trois frères algériens et de leur mère arrivés en France, rescapés du massacre de Sétif de 1945. Alors de quoi s'agit il ? Des massacres de Sétif justement, épisode marquant de la lutte d'indépendance algérienne, début de la fin pour les Français d'Algérie.

Ce jour là le 8 mai 1945, pour fêter la fin de la Seconde Guerre mondiale, un défilé est organisé. Les partis nationalistes algériens décident de profiter de l'occasion pour manifester. Un jeune homme qui brandissait le drapeau algérien est tué par un policier. Les manifestants s'en prennent alors aux Européens faisant à l'aveuglette une centaine de morts. Des fermes isolées sont aussi attaquées, leurs occupants assassinés en petite Kabylie et à Guelma dans les Aurès.

Jusqu'au 22 mai, la France coloniale réprimera avec une violence inouïe ce germe de soulèvement. Neuf plus tard, c'est le commencement de « la guerre d'Algérie» avec l'issue que l'on connaît. En 2005, la France a reconnu officiellement sa responsabilité dans les massacres du 8 mai 1945. Avant toute projection, le film qui sortira en salle le 22 septembre a été dénoncé par l'extrême droite, par des associations de harkis, d'anciens combattants et de pieds-noirs.

Ce vendredi 21 mai, environ 1 200 manifestants, selon la police, se sont rassemblés  à Cannes  pour rendre hommage aux « victimes françaises » de la guerre d'Algérie et des massacres de Sétif. Parmi les manifestants réunis devant le monument aux morts de l'Hôtel de ville figuraient plusieurs élus UMP dont le député-maire de Cannes Bernard Brochant et environ 70 anciens combattants portant des drapeaux français ainsi que des représentants d'associations de harkis ou de pieds-noirs. Le Front national était présent avec une discrète banderole. Aujourd'hui, presque 50 ans plus tard c'est toujours mémoire contre mémoire.

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