De notre envoyé spécial à Cannes,
Ceux qui reprochent au Festival de Cannes de présenter des films violents auront l’occasion de manifester à nouveau leur vive émotion en regardant Outrage, quinzième œuvre de Takeshi Kitano, projetée en compétition ce lundi 17 mai. Le Japonais, qui briguait déjà la Palme d’or en 1999 avec L’Eté de Kikujiro, revient sur la Croisette avec un film de yakusa pur et dur. Son dernier film axé sur les yakusas, Brother, remonte à l'an 2000.
Dans Outrage, plusieurs clans se disputent la faveur d’un parrain qui règne sans partage sur Tokyo et son agglomération. Les caïds montent dans l’organisation à coups de complots, de trahisons, de fausses allégeances et de règlements de comptes. Leur combat pour arriver au sommet engendre une véritable boucherie. Plusieurs clans vont être éliminés, notamment le clan
Otomo, dont le chef est interprété par Takeshi Kitano lui-même.
Filmer la violence est l’une des spécialités de ce réalisateur qui, avec ce dernier long métrage qu’il a écrit et monté, a cherché à se renouveler en ajoutant de nouveaux ingrédients au genre, en particulier les joutes verbales entre protagonistes, destinées à mettre en avant la brutalité des individus. Les yakusas, en général présentés comme impassibles et taciturnes dans ses films précédents, s’insultent ici les uns et les autres constamment. Très susceptibles, ils perdent facilement leur sang-froid.
Un souci de réalisme
« J’ai aussi cherché de nouvelles façons d’orchestrer la violence et les meurtres », explique Takeshi Kitano, cinéaste méticuleux. Les scènes de violence sont ainsi décrites dans un souci de réalisme sans compromis. Un objectif atteint, puisque le spectateur ressent réellement la douleur.
Pour se renouveler, Takeshi Kitano a également mis de côté son casting habituel en choisissant cette fois des comédiens avec qui il n’avait jamais travaillés pour les rôles principaux - des acteurs qui incarnent en général des médecins ou des professeurs - dans le but d’avoir « plus d’impact » sur le spectateur.
« Si ce film ne marche pas, je pense que je reviendrai à des films non violents. Mais je crois que Outrage est un film réussi, car il suscitera la controverse », affirme-t-il. Récompensé en 1997 du Lion d'or à Venise avec Hanna-bi, Takeshi Kitano a démarré sa carrière de réalisateur en
1989 avec Violent Cop, dans lequel il était également acteur.
A 63 ans, cet artiste aux mille et un visages (cinéaste, acteur, monteur, humoriste, animateur de télévision, peintre et plasticien à qui la Fondation Cartier pour l’art contemporain à Paris consacre d’ailleurs actuellement une exposition) signe avec Outrage un film dynamique, réussi (comme il le dit lui-même), à condition d’aimer le genre, bien entendu.