Les paysans des provinces du Helmand et de Kandahar, où se concentrent les cultures de pavot, ont avancé plusieurs explications ces dernières semaines. Pour certains, les mauvaises récoltes sont dues à la sécheresse. D'autres ont affirmé que c'était à l'inverse à cause des fortes pluies observées depuis la fin de l'hiver. Une hypothèse s'est également répandue parmi la population selon laquelle l'OTAN et plus particulièrement les soldats américains et britanniques auraient aspergé les cultures avec un produit chimique. Les autorités afghanes estiment, elles, que la diminution des récoltes tient au succès de la lutte anti-drogue.
Mais il s'agirait finalement, selon l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime d'un mystérieux champignon, qui attaquerait les racines du pavot, remonterait le long de la tige et dessécherait la fleur. Il ne s'agit encore que d'une hypothèse. Des plants de pavot contaminés ont été envoyés à Kaboul pour y être analysés.
Les prix de l'opium ont doublé
Selon les Nations unies, les prix de l'opium ont d'ores et déjà augmenté de 50% dans les provinces du sud. Cela va à contre-courant de la tendance observée ces dernières années. Un kilo d'opium s'échangeait par exemple à 64 dollars en 2008 alors qu'il valait près de 100 dollars un an plus tôt.
Cette baisse globale du prix de l'opium semble paradoxale car la production a, elle-aussi, largement diminué. Elle a baissé de 10% l'an dernier, à un peu moins de 7 000 tonnes. Les surfaces de culture de pavot se sont quant à elles effondrées de plus de 20%. Ce qui montre au passage que les paysans ont amélioré leurs rendements. En cinq ans, ils sont parvenus à extraire quasiment le double d'opium d'un même champ de pavot.
Les trafiquants ont bien évidemment tenté de lutter contre la baisse des prix. Ils n'ont qu'un moyen à leur disposition qui est de gonfler les stocks. Ils dépassent probablement aujourd'hui les 10 000 tonnes, soit deux ans de consommation mondiale. Les Nations unies considèrent que ces stocks constituent une bombe à retardement car les trafiquants peuvent les écouler à tout moment.
Lutte contre la culture du pavot : le dilemme afghan
La stratégie de la lutte contre la culture du pavot a été totalement revue. Jusqu'à l'an dernier, le gouvernement afghan et l'OTAN misaient sur l'éradication des cultures. Mais cette stratégie s'est révélée être un échec. Seuls 4% des champs de pavot du pays ont été éliminés en 2008 et 2009. Surtout, l'armée britannique déployée dans le Helmand s'est rendue compte que l'éradication alimentait l'insurrection, les paysans qui avaient perdu leurs champs ayant tendance à rejoindre les talibans.
La priorité est désormais de mettre en place des cultures de substitution, comme le blé, ou même le safran dans certaines provinces. Parallèlement, l'OTAN cible les principaux trafiquants et tente de les éliminer.
Mais la production d'opium reste très lucrative, elle représente près de 60% du produit intérieur brut de l'Afghanistan. Cet argent de la drogue profite bien sûr aux trafiquants mais aussi à des hommes politiques. Les Nations unies estiment, par exemple, que plus de la moitié des députés afghans sont liés à des personnes ayant des intérêts dans le trafic d'opium. Les talibans tireraient, eux, entre 10 et 15% de leurs revenus de la culture du pavot.