Deux vies marquées par l’Histoire

Enfants juifs, ils suivent leurs parents, entraînés dans la tourmente de la Seconde Guerre mondiale puis victimes de la montée en puissance de l’Union soviétique. Aujourd’hui, ces deux hommes témoignent de leurs destins hors du commun.

En novembre 1933, Henry Welch naît à Lodz, en Pologne, d’une famille juive aisée. Son père est homme d’affaires. Entre eux, ils parlent polonais, chez les grands-parents yiddish. En février 1939, le père d’Henry quitte la Pologne pour s’installer au Brésil. Il pense faire venir sa femme et son fils, mais la guerre rendra impossible leur retrouvailles. 

Quand les nazis rentrent en Pologne en septembre 1939, Henry et sa mère fuient à l’est du pays, à Bialystok, puis à Pinsk. Le temps qu’ils arrivent, ces territoires sont occupés par les Soviétiques et annexés à l’URSS. Lors de la passeportisation, que les Soviétiques commencent en février 1940, la mère d’Henry refuse de prendre la citoyenneté soviétique espérant rentrer à Lodz où elle a laissé sa famille, sa maison et ses biens. En juin 1940, des fonctionnaires de la police politique, le NKVD, viennent les chercher et leur ordonnent de préparer leurs bagages et de les suivre.
 

Après un très long voyage, ils arrivent à Kotlas, dans le grand Nord russe, où ils sont divisés en plusieurs groupes et envoyés dans différents villages. Henry, sa mère, sa tante et son oncle sont assignés à l’abattage du bois dans le village de Nierčuga, dans la région d’Arkhangelsk.

Lors de l’amnistie concernant « les citoyens polonais se trouvant sur le territoire soviétique », en août 1941, les Welch quittent la région d’Arkhangelsk pour rejoindre  le Kirghizstan, puis le Kazakhstan et enfin le Tadjikistan.

Là, à Leninabad, en août 1945, arrive une lettre de la tante d’Henry, Sally, la sœur cadette de sa mère. Elle écrit être la seule de la famille à avoir survécu au camp de concentration d’Auschwitz, être rentrée à Lodz et attendre de leurs nouvelles. Le mois suivant, la mère d’Henry décide de la rejoindre, avec son fils.

Ils arrivent enfin à Lodz, après deux mois de voyage, mais ne trouvent plus rien ni personne. Ils décident alors de quitter définitivement la Pologne et de rejoindre l’un des camps pour personnes déplacées en Allemagne. Puis ils migrent en Israël, au Brésil, au Canada et aux Etats-Unis.

Finalement Henry s’établit à Rome, où il dépose le brevet d’un appareil médical qui sera vendu dans le monde entier et lui permettra de créer sa propre société. Il aime s’entourer de sa famille constituée de tantes, d’oncles et de cousins, éparpillés aux quatre coins du monde, qu’il réunit, tous les dix ans, à l’occasion de son anniversaire, sur l’île de Capri en Méditerranée.

Rafail Rozental naît à Riga en septembre 1937 d’une famille intellectuelle juive. Son père est un avocat de grand talent, sa mère est éducatrice, à la maison ils parlent le russe et le yiddish.

Quelque mois après l’annexion de la Lettonie par l’URSS, le père de Rafail Rozental est dénoncé pour avoir présidé une association sioniste quand il était étudiant à la faculté de droit de Riga. Ce dernier est arrêté dans la nuit du 14 juin 1941 et condamné aux travaux forcés. Rafail et sa mère sont alors déplacés dans un village de la région de Tomsk, en Sibérie.

Le reste de la famille restée à Riga périt dans le ghetto, certains sont fusillés dans la forêt de Rumbala, où ont été assassinés tous les juifs lettons, quelque mois après l’arrivée des nazis.

Un an plus tard, le père de Rafail est libéré du camp de travail de Solikamsk, dans la région de Perm, il réussi à les retrouver et à les rejoindre. En 1946, ils partent, tous les trois, s’installer dans la ville de Krasnoïarsk. Le père y trouve un emploi de comptable, puis ils réussissent à obtenir un petit logement.

Rafail s’inscrit à la faculté de médecine de Krasnoïarsk. C’est là qu’à partir de 1952, de nombreuses célébrités de la médecine soviétique furent reléguées, suite à l’affaire des blouses blanches, concernant les médecins, souvent d’origine juive, accusés d’avoir assassiné des membres du Politburo. Rafail eut la chance d’étudier avec la plupart de ces médecins mis sur la touche.

En 1956, la famille Rozental est libérée de l’obligation de vivre en Sibérie et rentre à Riga où Rafail termine ses études et commence une carrière de chirurgien. Il devient un grand spécialiste international de la transplantation du foie.

 

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