Les petites mains de la haute couture française dans une mauvaise passe

Une charte de bonnes pratiques entre groupes de luxe et façonniers français sera signée le 14 avril prochain, pour venir en aide à ce secteur en crise du fait de la concurrence internationale. Elle sera signée, côté donneurs d'ordres, par la Fédération de la couture, du prêt-à-porter, des couturiers et des créateurs de mode et, côté façonniers, par l'Union française des industries de l'habillement (UFIH).

La haute façon française fait son show en ce moment à Paris. Ces métiers d’artisans sont indispensables au rayonnement de la haute couture française. C’est ce qu’essaie de montrer le Salon de la haute façon « made in France », installé jusqu’à jeudi premier avril à la Bourse de Paris. Il regroupe la crème des façonniers. Quelque 80 exposants, artisans et concepteurs, tous au service de l’excellence qui nous fait rêver lors des défilés Haute Couture puis des présentations prêt-à-porter.

Le visiteur pourra ainsi mieux voir ce que recouvre la notion de « made in France » dans toutes les facettes de la mode; grâce à l’étendue de l’offre, la sophistication, l’extrême technicité, le très riche savoir-faire et la passion virtuose des industriels artisans exposants.

Un secteur menacé

Mais ce secteur est menacé. L’année 2009 fut particulièrement difficile pour les sous-traitants de la mode qui ont vu leur carnet de commandes maigrir et ont du supporter une baisse des prix de fabrication stables depuis plusieurs années. La délocalisation croissante au profit d’ateliers italiens ou d’Europe centrale s’est soldée l’année dernière par une réduction de 10-15% des effectifs de ce micro-secteur.

« La délocalisation et la crise ont entraîné une baisse des commandes auprès de sous-traitants de l’habillement, parfois très fortement, parfois brutalement », dit François-Marie Grau, délégué général de l’UFIH. « Certaines marques font faire des prototypes par des ateliers français et n'hésitent pas à confier ensuite la production à l'étranger. C'est immoral », dénonce de sa part la créatrice Agnès B.

 Trois mesures pour aider les façonniers

Le sort de la haute façon préoccupe les pouvoirs publics car le luxe français est un secteur majeur de l’économie. En 2008, le marché mondial du luxe atteignait un chiffre d’affaires d’environ 180 milliards d’euros. Sur 270 marques de prestige, 130 sont françaises. Les grandes maisons de luxe françaises totalisent un tiers du chiffre d’affaires mondial du secteur, faisant de la France le leader mondial du luxe. Ces grandes entreprises s’appuient elles-mêmes sur un réseau de sous-traitants et de fournisseurs constitué de PME. Paris et la petite couronne comptent 7 500 entreprises de deux personnes et plus, dans le secteur de la mode et du design.

Le ministre de l’Industrie Christian Estrosi a annoncé, lors de sa venue au salon, la signature d’une charte de bonne conduite entre façonniers et donneurs d’ordre. Elle ne prévoit pas de mesure contraignante mais affiche de bonnes intentions pour renouer un dialogue souvent difficile entre les grandes marques et façonniers.

L’UFIH désire que les grandes marques signent la charte de bonne conduite en reconnaissant leurs volonté de continuer à travailler avec la sous-traitance française, pour préserver le savoir faire française et l’image de la mode française aussi bien en France qu’à l’international. En outre, le ministre français a annoncé pour la semaine prochaine la nomination du médiateur de la sous-traitance. Il interviendra en cas de problèmes entre grandes marques et fabricants, par exemple en cas de rupture abusive de contrats ou de commandes.

Il a annoncé aussi la création d’une école de mode de niveau internationale à Paris, demandée par les façonniers depuis des années. A cela s’ajoute la création d’une banque de la mode pour les jeunes créateurs, essentielle dans un contexte de pénurie d’argent et de prudence excessive des banques. L’Etat mettra à la disposition de cet établissement un million d’euros.

 

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