La Tanzanie et la Zambie estiment que le nombre d'éléphants est à la hausse dans leur pays et justifient ainsi leur demande de commercialisation de leurs stocks d'ivoire. Le Kenya, pour sa part, redoute que cette vente encourage l'ardeur des braconniers qui sévissent dans les autres pays d'Afrique.
Lors de sa dernière réunion en 2007, la Convention sur le commerce international des espèces sauvages menacées (Cites), a adopté un moratoire total sur les exportations d'ivoire africain jusqu'en 2018. Mais, en 2010, une coalition de 23 Etats d'Afrique de l'Ouest et Centrale s'y oppose et réclame un moratoire de 20 ans sur les ventes.
Selon l'agence Associated Press, 271 éléphants ont été abattus illégalement en 2009 au Kenya, soit neuf fois plus qu’en 2007 et les affrontements armés qui opposent les gardes des parcs nationaux et les braconniers sont fréquents. L'agence souligne un recul dans la protection de l'espèce : la population d'éléphants, qui avait chuté de 1,3 millions à 600 000 en seulement dix ans, entre 1979 et 1989, serait tout au plus stabilisée actuellement et compterait entre 490 000 et 640 000 bêtes. Alors que l'éléphant d'Afrique a totalement disparu en Sierre Leone depuis décembre dernier, il n'en resterait qu'une dizaine recensés au Sénégal.
« Le moratoire de 2007 avait créé une panique chez les malfrats mais depuis ...
« Le moratoire de 2007 nous garantissait de ne pas avoir de marché dans les pays limitrophes », explique Cosma Wilungula Balongelwa, le délégué de la République démocratique du Congo (RDC) à Doha. Cette mesure, estime-t-il, « avait créé une panique chez les malfrats, mais depuis ils ont organisé de nouvelles filières » : les braconniers opèrent comme de véritables armées et « tirent les troupeaux au lance-roquette », assure le délégué qui évoque une centaine d'éléphants tués en deux mois dans son pays. « Dans le parc de Salonga (*), le plus grand d'Afrique sur 36.000 km², nos 140 gardes sont complètement dépassés. A ce niveau, ce ne sont pas des amateurs: un réseau local n'aurait pas les moyens d'écouler tout cet ivoire », accuse-t-il.
Rabatteurs, collecteurs et transporteurs : des réseaux mafieux
« Fin décembre, 80 braconniers en provenance du Soudan sont entrés en République centrafricaine et ont traversé le pays en tuant 36 éléphants, puis ils se sont dirigés vers la RDC et le Cameroun. Ils étaient très organisés, en trois groupes: les rabatteurs, les collecteurs et les transporteurs », Céline Sissler-Bienvenu, experte du Fonds international pour la protection des animaux (Ifaw), chargée d'un programme de lutte anti-braconnage dans le Salonga et qui insiste également sur « la surenchère des armements de guerre ».
Sous couvert d'anonymat, plusieurs délégués africains incriminent des réseaux mafieux commandités par des acquéreurs basés en Chine, principal importateur d'ivoire qui s'était d'ailleurs porté acquéreur de la dernière vente autorisée en 2008. Le système d'information sur le commerce ETIS des produits d'éléphants de l'ONG Traffic
pointe également dans un récent rapport pour la Cites le rôle croissant des « syndicats asiatiques du crime » dans le trafic d'ivoire africain.
Face à eux, les Etats sont démunis : « Leurs moyens de lutte sont faibles, leurs agents mal formés », explique Mme Sissler-Bienvenu, sans taire les « problèmes de gouvernance ». La Cites ne régule que le commerce international, laissant les Etats gérer leurs marchés intérieurs. Or, selon Tom Milliken, directeur de Traffic pour l'Asie, « les marchés africains restent largement incontrôlés », du Sénégal au Mozambique, du Nigeria à la RDC, de même qu'en Asie, en Thaïlande surtout, mais aussi en Birmanie et au Vietnam. « Quant à la Chine, elle applique la peine de mort aux trafiquants chez elle, mais ses citoyens résidant en Afrique semblent l'oublier », ajoute-t-il.
Pour en savoir plus :
- Sur le / Rapport de l'Ifaw pour la Cites
- Sur / Parc de Salonga qui englobe une grande partie de la province de l'Equateur et du Kasaï occidental est situé au cœur du bassin central du fleuve Congo. On y compte plusieurs espèces endémiques menacées telles que le chimpanzé nain, le paon du Congo, l'éléphant de forêt et le gavial africain, ou « faux crocodile ».