Une mobilisation exceptionnelle mais insuffisante
Après le séisme, l’aide internationale a submergé Haïti. Une mobilisation qui dépasse largement celle qui avait suivie, en 2004, le tsunami en Asie. Des dons en argent et en nourriture ont afflué des quatre coins du monde. De nombreuses équipes humanitaires tentaient et tentent toujours de prendre en charge une population traumatisée. Les Etats-Unis ont vite pris le contrôle des opérations avec des moyens conséquents, dont un hôpital flottant et 20 000 soldats pour sécuriser l’action humanitaire.
Or, l’élan de générosité reste insuffisant. La moitié des quelque 1,3 million de déplacés haïtiens attendent toujours un abri d’urgence, selon la Croix-Rouge. Ce n’est pas seulement un problème de stock. « Des tentes, on en a mais on cherche des terrains pour les mettre », raconte un coordinateur humanitaire, Gregg McDonald au journal américain Miami Herald. Le gouvernement haïtien serait en train de négocier avec des grands propriétaires terriens pour reloger une partie de la population.
Défi humanitaire : préparer la saison de pluie
Le grand défi pour les humanitaires est maintenant de protéger les personnes sans abris contre les cyclones d’automne, qui risquent de faire beaucoup de dégâts. Et certains observateurs doutent fortement que les tentes et les bâches résistent aux pluies torrentielles. Mais ce ne sont pas seulement les causes extérieures qui rendent difficile l’organisation de l’aide d’urgence. A plusieurs reprises, le secrétaire général adjoint des Nations unies, John Holmes, a pointé du doigt les lenteurs dans la collecte des fonds. Selon John Holmes, l’ONU a récolté seulement la moitié des dons financiers dont l’organisation a besoin cette année pour la poursuite de l’opération humanitaire.
Dans ce vaste chantier qu’est la reconstruction d’un pays qui compte parmi les plus pauvres au monde, le gouvernement peine à s’imposer comme architecte en chef. « Ni le président René Préval ni le Premier ministre Jean-Max Bellerive n’assument, pour l’instant, un rôle politique fort », a estimé, dans un éditorial, le New York Times. René Préval doit constamment faire face à des accusations de corruption pour sa gestion de crise, l’opposition réclame un droit de regard sur l’utilisation des fonds et la question des élections reste ouverte. Faut-il respecter le calendrier électoral qui prévoit l'élection présidentielle en décembre, sachant que le scrutin sera évidemment très difficile à organiser ? Le Conseil électoral provisoire haïtien a d’ores et déjà reporté sine die les élections législatives prévues fin février.
Renforcer le rôle de la société civile
Que faire pour rendre le processus de reconstruction plus efficace ? L’association américaine « Refugees International » propose de miser davantage sur les compétences de la société civile haïtienne. Elle serait très bien organisée et disposerait de nombreux relais locaux, rappelle cette association dans un récent rapport sur la situation en Haïti. Or, pour l’instant, la coordination entre les ONG locales et l’ONU reste faible, pour ne pas dire inexistante. Les deux secteurs opèrent séparément, parfois même sans communiquer.
C’est, entre autres, sur ce problème d’efficacité que se penchera la conférence internationale des donateurs qui aura lieu le 31 mars 2010 à New York. Ce sera une opportunité pour les Nations unies de réaffirmer leur responsabilité, voire de prendre la direction des opérations de reconstruction de Haïti, dont la facture est estimé à 14 milliards de dollars par Banque interaméricaine de développement.