Italie : Mains de moins en moins propres

Un rapport alarmant de la Cour des comptes italienne sur la corruption, publié jeudi, a incité Silvio Berlusconi à annoncer la présentation rapide d’un projet de loi renforçant les sanctions dans le domaine. Selon la Cour, les plaintes pour corruption ont triplé, et celles pour concussion – plus que doublé en un an.

Le rapport de la Cour des comptes qualifie la situation de « pathologie grave ». La corruption toucherait particulièrement les secteurs de la santé et des travaux publics, mais les autres secteurs de l’administration ne seraient pas vraiment épargnés. L’image esquissée par les rapporteurs est assez terrifiante. Si l’on prend en considération uniquement les plaintes déposées, les délits de corruption ont augmenté de 229% l'an dernier en Italie et ceux de concussion de 153%.

Toujours plus bas

Les données du rapport confirment l’image que les Italiens se font de l’étendue du phénomène. Dans un récent sondage, plus de 92% des personnes interrogées estiment que « la corruption est assez ou très diffuse » en Italie. Sentiment justifié par les observations de Transparency International. Année après année, l’Italie glisse systématiquement vers le bas de son classement des pays les moins corrompus du monde. En 2007, elle occupait encore la 41e place, pour descendre à la 55e en 2008, avant d’être reléguée à la 63e place en 2009.

Le Premier ministre a réagi en annonçant des sanctions plus sévères dans le domaine, mais plusieurs membres de sa propre majorité de centre-droit sont soupçonnés de diverses malversations. Pas plus loin que jeudi, le sous-secrétaire d’Etat à l’Economie, Nicola Cosentino, sous mandat d’arrêt pour complicité avec la mafia, a présenté sa démission, aussitôt refusée par Silvio Berlusconi. Le Premier ministre tente de relativiser, en indiquant qu’il ne s’agit en aucun cas du retour des grandes affaires, comme celles qui avaient conduit à la dissolution des grands partis historiques et à l’apparition d’une « deuxième République ». Il est vrai que la Cour des comptes se préoccupe surtout de la petite corruption qui devient, selon son président Tullio Lazzaro, « un phénomène de société que le Code pénal ne suffit pas à résorber ».

Exemples édifiants

Petite ou grande, elle contribue toujours à ébranler la confiance de la population vis-à-vis des autorités publiques. Or des exemples croustillants du comportement très douteux des ceux-ci ne manquent pas dans le rapport. Parmi les cas particulièrement spectaculaires, celui du conseiller municipal de Milan et président de la commission d'urbanisme de la ville, Mirko Pennisi. La police a pu le surprendre en train d'encaisser un dessous-de-table de 5 000 euros en pleine rue. Les carabiniers ont d’abord réussi à photographier les billets de loin, mais à leur approche, Pennisi s'est enfui dans une grande librairie. Une fois arrêté, il n’avait plus le pactole sur lui. Il a fallu trois jours de recherches pour retrouver l’argent, dissimulé derrière le lavabo d’un cabinet de toilette.

Ou encore le cas du président du Conseil supérieur des travaux publics, la principale autorité italienne pour le contrôle des marchés de l'État, Angelo Balducci. Il a été arrêté en même temps qu'un entrepreneur et deux autres fonctionnaires. Le patron de la Protection civile, Guido Bertolaso, a été mis en examen dans le cadre de la même enquête. Ils sont tous poursuivis pour avoir majoré de 50% certaines adjudications pour la création de diverses infrastructures, comme un centre de conférences en Sardaigne, comme la réfection de l'aéroport de Florence, ou encore la construction d'installations sportives à l'occasion du championnat mondial de natation de 2010.

Nouvelle loi

Selon le conseiller juridique de Silvio Berlusconi, le projet de loi visant à renforcer les sanctions contre la corruption devrait être discuté très rapidement. Reste à savoir si une énième loi suffit à bloquer un mécanisme bien huilé et bien ancré depuis des années. Visiblement, il a su se reconstituer – pour l’instant, à une moindre échelle, mais quand même – malgré une tentative d’éradication aussi radicale que la fameuse opération « Mains propres ». Que pourrait-on encore inventer de mieux ?
 

Partager :