De notre envoyé spécial à Bamako, Thierry Perret
Dix ans d’existence et cinquante bougies. L’édition 2010 du Forum de Bamako intervient dans le cadre de la commémoration des 50 ans d’indépendance de l’Afrique, et ses promoteurs ont choisi pour l’illustrer un thème en forme de défi : celui de la lutte contre la faim en Afrique. « Qu’avons-nous fait, en cinquante ans, pour assurer la sécurité alimentaire et lutter contre la faim ? » a ainsi lancé le Premier ministre du Mali, Modibo Sidibé, en ouverture des débats qui réunissent, du 16 au 20 février 2010 dans la capitale malienne, plusieurs dizaines d’experts, universitaires, chefs d’entreprise et représentants des organismes de développement.
Plus d'un milliard de personnes souffrent de malnutrition
Comme le soulignent nombre d’intervenants, le constat est alarmant. Tandis que plus d’un milliard de personnes souffrent en 2009, selon la FAO, de malnutrition dans le monde, l’Afrique subsaharienne est la seule région du monde où la situation s’est aggravée sur le demi-siècle. Le continent importe encore le tiers de ses céréales, et les indicateurs de productivité agricole y sont les plus faibles au monde. L’insécurité alimentaire se conjugue avec la pauvreté pour accélérer la dégradation de l’environnement qui, en retour, menace tout le potentiel économique.
Toutefois, ce n’est pas le pessimisme qui domine dans les premières contributions, où l’on aura surtout entendu parler stratégie économique et scénarios de sortie de la crise actuelle. « Nous avons toutes les raisons d’espérer, parce que les analystes sérieux disent que les batailles économiques actuelles déboucheront sur l’émergence de l’Afrique », indique Abdoullah Coulibaly. Le promoteur du Forum de Bamako souligne le rôle des hommes dans la « révolution verte » qu’il appelle de ses vœux. Et comme lui, tous rappellent la place prépondérante de l’agriculture dans le processus du développement, la lutte contre la faim et contre la pauvreté
« L'Afrique peut nourrir ses propres enfants »
Marco Ferroni, directeur exécutif de la fondation Syngenta pour une agriculture durable, se félicite du « retour de l’agriculture dans les priorités annoncées de la communauté internationale », et indique une piste : « un accent particulier doit être mis sur le financement de la recherche agricole nationale ». Même tonalité, lorsque Modibo Sidibé considère qu’il n’y a nulle fatalité dans les échecs constatés d’un demi-siècle de politiques de développement sur le continent : « l'Afrique peut nourrir ses propres enfants », précise-t-il, à condition de mettre l’accent sur le rôle-clé du «capital humain».
En guise de travaux pratiques, les participants avaient visité quelques jours auparavant l’Office du Niger, ce vaste ensemble de terres aménagées dans le delta du fleuve Niger qui constitue le cœur de la stratégie de développement agricole du Mali : 325 000 ha y sont déjà aménagés, pour un potentiel de 2,2 millions d’ha, avec parmi les objectifs majeurs celui de l’autosuffisance du pays en riz.
« La contribution de l’Office du Niger à la sécurité alimentaire et à la réduction de la pauvreté est énorme » signale Djibril Aw, expert international sur les questions d’irrigation. Si la production notamment rizicole y a été décuplée, c’est en grande partie par le travail acharné des producteurs qui ont montré une grande capacité d’adaptation aux innovations. Moyennant des politiques mieux adaptées, « l’enseignement le plus important à tirer de cette « success story » est que la révolution verte et l’irrigation, même sur de grands périmètres, peuvent bien réussir en Afrique au Sud du Sahara ».