RFI : Le sommet de l’Union africaine qui s’est achevé à Addis-Abeba a été assez ferme avec vous et a adopté une résolution demandant, je cite : « Au régime illégal de mettre fin à cette tentative d’imposer des solutions unilatérales ». Les dirigeants de l’Union africaine vous reprochent notamment d’avoir balayé d’un revers de la main les compromis trouvés à Maputo et à Addis-Abeba. Alors, quel est le message que vous avez envie d’adresser aujourd’hui aux dirigeants de l’Union africaine ?
Andry Rajoelina : Ecoutez, on a essayé de mettre en place à Madagascar un gouvernement d’union nationale. Ce gouvernement devrait être composé et formé par les partisans de chaque mouvance ; quand on parle de mouvance, on parle des anciens chefs de l’Etat qui ont déjà été déchus et rejetés par la population et le peuple malgache. Maintenant, il faut reconnaître que c’était un échec. Et surtout cela a été difficile, voire même impossible, suite à l’attitude des autres chefs de file des mouvances et à des provocations.
RFI : Quelles provocations, par exemple ?
Andry Rajoelina : Si vous voulez, dernièrement par exemple, lors de la réunion qui s’est déroulée à Copenhague, les Nations unies m’ont invité à assister à cette réunion. Or, les deux soi-disant co-présidents du Conseil présidentiel et les autres membres de mouvance ont écrit une lettre à 12 000 kilomètres de Madagascar, c’est-à-dire depuis le Danemark pour s’opposer à ce que je représente le pays et Madagascar à cette réunion. Or, avant cela, c’est-à-dire, quand on a signé l’accord d’Addis-Abeba le 6 novembre 2009, tout le monde a reconnu, même ces chefs de mouvance et chefs de file que j'étais le président de la transition.
RFI : Donc, ce sont ces provocations qui vous ont fait rejeter le compromis qui avait été trouvé à Maputo ?
Andry Rajoelina : Ce sont ces provocations et surtout si vous voulez, le fait que les uns et les autres sont animés de haine et de vengeance.
RFI : Pourquoi avoir signé le compromis de Maputo dans ces conditions ?
Andry Rajoelina : Nous avons signé en toute bonne foi. Mais, [au bout] de15 jours tout simplement de cohabitation avec deux co-présidents, on a trouvé [avec] les attitudes des uns et des autres que c’était très très difficile de cohabiter dans l’exécutif.
RFI : Aujourd’hui, les dirigeants demandent aux quatre partis malgaches de se prononcer avant le vendredi 5 février 2010 sur les propositions faites par Jean Ping le 22 janvier dernier. Est-ce que vous avez déjà répondu à Jean Ping, est-ce que vous avez une proposition à lui faire ?
Andry Rajoelina : Nous avons déjà soumis notre proposition. Mais ceci dit, nous allons la remettre en main propre avec des explications parce que, si vous voulez, on ne rejette pas complètement ce qui a été signé à Maputo et à Addis-Abeba. Ce que nous proposons, c’est qu’on veut instaurer un contre-pouvoir ; le Conseil supérieur et de contrôle de la transition où les trois anciens chefs de l’Etat auront la majorité dans l’Assemblée et à ce moment-là, les ordonnances prises en Conseil de ministres seront ratifiées par ce Conseil supérieur de la transition dont le président et les 2 vice-présidents seront nommés par l’opposition c’est-à-dire, les 3 anciens chefs de l’Etat auront aussi la majorité dans l’Assemblée.
RFI : Est-ce que vous comptez rétablir Eugène Mangazala à son poste de Premier ministre ?
Andry Rajoelina : La cohabitation s’avère difficile voire même impossible.
RFI : Et la date des élections législatives fixée au 20 mars par vous-même est-elle toujours d’actualité ?
Andry Rajoelina : Les sociétés civiles et les partis politiques se sont réunis au centre de conférence internationale. Ils ont fixé la date des élections entre le 18 et le 24 mai prochains. Donc, ce n’est pas une décision du gouvernement. Ce n’est plus une décision unilatérale.
RFI : J’imagine que c’est un des signaux que vous envoyez aux dirigeants d’Union africaine. Ils ont l’air, pour l’instant, assez fermes envers Madagascar et envers vous-même et ils menacent de sanctions si un compromis n’est pas trouvé. Est-ce que cette menace de sanctions vous impressionne ?
Andry Rajoelina : Concernant les menaces, il faut voir la réalité sur place. Et aujourd’hui, ce que le peuple malgache veut et ce que la communauté internationale aussi veut mettre en place, ce sont les élections. Donc, nous sommes prêts à discuter avec toutes les forces vives de la nation pour organiser des élections libres et transparentes !
RFI : Etes-vous prêt à en discuter avec les chefs d’Etat de la SADEC ?
Andry Rajoelina : Il ne faut pas défendre une personne et vraiment mettre en péril le peuple malgache.
RFI : Vous voulez dire que vous avez le sentiment que les dirigeants de la SADEC veulent défendre Marc Ravalomanana ?
Andry Rajoelina : Bien, écoutez, c’est le cas parce que cela devient une histoire de copinage. Cela devient une histoire, si vous voulez, de protection d’une personne mais on ne voit pas la réalité sur place à Madagascar.
RFI : Certains de vos adversaires et certains commentateurs disent que vous êtes venu en France chercher un soutien politique auprès des autorités françaises.
Andry Rajoelina : Il est toujours mieux et bien de discuter avec les autorités et aussi les personnes influentes qui pourraient relayer nos messages. Donc, j’ai vu les parlementaires ici à Paris, j’ai vu aussi des hauts responsables, ceux qui peuvent nous aider vraiment à bâtir un nouveau Madagascar. Donc, c’est un soutien global que je suis en train de lancer pour notre chère patrie.
RFI : Diriez-vous que l’Elysée vous soutient ?
Andry Rajoelina : Ce n’est pas que l’Elysée me soutient ou la France me soutient ! Ce sont les idées qu’il faut soutenir. Et je pense que la France est en train de soutenir les pays qui veulent du renouveau et c’est le cas de Madagascar.
Un entretien réalisé par Olivier Rogez, RFI