Villes africaines: Du quartier indigène au bidonville

L'Afrique est la région la moins urbanisée du monde mais le rythme de croissance et le caractère anarchique du développement des villes africaines freinent leur rôle économique et accentuent les disparités sociales. Cinquante ans d'indépendance ne sont pas venus à bout de schémas hérités de la colonisation et des pratiques locales.

On dit de l'Afrique qu'elle est la région la moins urbaine de la planète mais que son urbanisation est la plus violente.

373,4 millions d'Africains vivent dans les villes dont plus de la moitié dans des bidonvilles.  D'ici 20 ans, la plupart des cités verront doubler leur population. Elles seront dans l'incapacité de nourrir et de fournir de l'eau aux habitants, encore moins de répondre aux besoins collectifs tel que hygiène, santé et éducation si elles poursuivent leur expansion actuelle.

Les déséquilibres entre villes et campagnes vont s'aggravant. Certains pays comme le Niger et le Tchad ne comptent encore qu'à peine 16 à 20% de citadins, mais le Congo, le Libéria ont dépassé les 60% de leur population globale. Le Gabon et l'Ile de la Réunion s'envolent au-delà des 80%.

L'incapacité à organiser l'extension urbaine est un héritage de la colonisation mais elle est aussi la résultante de pratiques politiques et de coutumes locales.

La ville, centre du pouvoir colonial

La ville coloniale du début du XXe siècle se greffe sur l'activité commerciale et culturelle des villes historiques africaines. Mais pour elle, il s'agit aussi d'asseoir l'administration générale du pays, à partir de laquelle elle mène son développement. 

La ville centralise les bâtiments publics, crée des quartiers assainis, bien équipés, desservis par des centres commerciaux dynamiques où vivent les colons. Elle repousse la main d'oeuvre-réservoir dans des zones où les conditions de vie doivent la dissuader de s'installer définitivement. Le laisser-passer exigé des «indigènes» pour circuler dans les villes comme Nairobi (Kenya), Salisbury(Rhodésie) ou Johannesburg (Afrique du Sud) reste le symbole de cette ségrégation entre les citadins, entre exploitants et exploités.

L'administration coloniale construit des ports, des routes, et des chemins de fer. Des entreprises, des usines s'installent mais sans intégrer les intérêts locaux. Elles importent la main d'oeuvre qualifiée, des équipements, et travaillent pour l'exportation.

Si les colons anglophones chercheront à contrôler les limites du territoire urbain, en précarisant le plus possible les ouvriers -notamment avec la construction des hostels pour les migrants venus des campagnes, les francophones seront moins stricts sur la création de nouveaux quartiers.

Incapables de payer le moindre service collectif et d'accéder aux produits des commerces des quartiers «blancs», les populations s'organisent de façon informelle et développent nombre d'activités parallèles pour répondre aux besoins immédiats.

... et du pouvoir politique

Le premier souci des États indépendants a été de remplacer les colonisateurs aux places de commande de l'administration et de récupérer leurs «quartiers».

Les dirigeants se lancèrent dans une course aux équipements modernes, vendus chèrement par les anciennes puissances coloniales et dont les choix d'installation dépendait plus des intérêts personnels et politiques que d'une stratégie de développement local. L'Etat central intervient directement dans l'aménagement des villes, la création de programme urbain, d'infrastructures et d'installations de zones industrielles.

Alors que l'essor des grandes cultures -à l'exportation- chassait les petits producteurs vivriers vers les villes, les entreprises se révèlaient dans l'incapacité d'offrir de nouveaux emplois à une population peu formée.

De vastes programmes d'accession à la propriété furent initiés, les prix du foncier et les conditions d'achat restant cependant inaccessibles à la majorité des citadins qui n'avaient ni épargne, ni revenus réguliers. Une nouvelle classe de possèdants fonctionnaires émergea.

Bien des projets de logements ou de viabilisation de terrains urbains furent entrepris par l'Etat. Souvent, ils ne bénéficièrent pas aux catégories de population auxquelles ils étaient destinés. Incurie des services d'eau, d'électricité et de la voirie, appauvrissement des habitants mais aussi habitudes de «l'informel»... les bâtiments furent récupérés par des populations à revenus plus élevés.

La crise économique et financière, les programmes d'ajustements structurels imposés par le Fonds monétaire international dans les années 80/90 bouleversèrent les budgets. Les services d'éducation et de santé furent les plus touchés.

C'est à cette époque que les villes obtiennent un peu plus d'autonomie dans leurs décisions et leurs budgets, mais c'est parce que l'Etat n'a plus un sou. Les ressources financières des collectivités territoriales restent encore aujourd'hui sous son contrôle.

Nouveaux risques

Aujourd'hui, certaines villes constituent sans contexte des pôles économiques moteurs, mais elles n'investissent pas les revenus de leurs activités au profit des habitants. Elles continuent de fonctionner sur le mode de l'exclusion, c'est-à-dire le mode colonial. Les habitants des bidonvilles et des lieux irréguliers voient plus souvent arriver les bulldozers que les agents municipaux.

Le chômage atteint des taux vertigineux parmi les jeunes citadins. Jusqu'à 70% dans les villes nigériannes. A la violence sociale répond la violence criminelle.

L'alimentation et l'approvisionnement en eau des villes sont directement liés aux facteurs climatiques et à l'environnement. Dans les bidonvilles, dépourvus de facilités, les maladies, la malnutrition sont monnaie courante. L'urbanisation se traduit désormais par une crise humanitaire, susceptible de se doubler d'une crise sociale.

En juin 2009, plusieurs villes africaines ont connu des inondations dramatiques, provoquant des effondrements de terrain. Elles ont révélé l' incapacité des services municipaux à gérer et entretenir les réseaux de drainage des eaux.

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