Il a été élu "personnalité de l'année" mi-décembre 2009 par le magazine américain Time, pour sa gestion de la crise financière, et pourtant Ben Bernanke est de plus en plus sur la sellette. Président de la FED depuis 2006, il a été nommé du temps de Georges W. Bush mais il est soutenu par Obama. Jusqu'à présent, on voyait en lui l'homme qui avait, par l'injection de dizaines de milliards de dollars sur les marchés financiers, empêché l'effondrement total du système bancaire américain ; celui aussi qui avait su agir rapidement sur les taux d'intérêt, ramenés quasiment à zéro pour faciliter le financement de l'économie.
Mais aujourd'hui, rien ne va plus et la fronde vient du Congrès américain. La commission bancaire du Sénat avait déjà exprimé ses réserves en auditionnant Ben Bernanke, au début du mois dernier. Elle lui reprochait de n'avoir pas su anticiper la crise des « subprimes », puisqu'il avait déjà les rênes de la Réserve fédérale depuis près de trois ans, quand elle a éclaté. La commission bancaire l’accusait aussi d'avoir privilégié, avec l'argent public, les banques et pas l'emploi américain.
Aujourd'hui, la situation de Ben Bernanke se détériore à cause du sauvetage de l'assureur américain AIG, qui se révèle de plus en plus coûteux...
Le Congrès reproche au gouverneur de la FED d’avoir engagé le Trésor américain à couvrir 100% des risques que les banques avaient assurés auprès d’AIG. Cette promesse qui visait à éviter la banqueroute de l'assureur américain, et par ricochet celle d’un certain nombre d’établissements bancaires, s’est transformée en fardeau pour les finances publiques. Outre les contrats d’assurance-vie, AIG vendait aussi des contrats d’assurance appelés « Credit default swap » aux banques, pour qu’elles puissent couvrir les risques qu'elles prenaient en acquérant des actifs dérivés des crédits hypothécaires. Des actifs aujourd’hui toxiques, qui se sont retrouvés éparpillés sur toute la planète.
Une facture de 62 milliards de dollars
Résultat : l'Etat américain se retrouve à dédommager de leurs pertes des banques américaines, alors qu’elles renouent avec des profits gigantesques, mais aussi des banques françaises... La facture est lourde : 62 milliards de dollars en tout, dont 16 milliards et demi pour la Société générale et 4,3 milliards pour Calyon, la filiale du Crédit agricole... Les deux banques françaises sont accusées d'avoir « bluffé » pour obtenir le remboursement intégral de leur couverture de risque ; de son côté, la FED est accusée de faiblesse…
Ben Bernanke a promis un audit complet du sauvetage d’AIG : 250.000 pages de documents ont déjà été transmis à la commission de la Chambre des Représentants. Mais la reconduction du gouverneur à la tête de la FED pourrait être retardée, au moins jusqu'à la fin du mois. Ce ne serait pas la première fois : son prédécesseur, Alan Greenspan, avait attendu trois mois en 1996 ! Néanmoins, la situation économique n'est pas comparable, souligne Christine Rifflart, économiste à l'OFCE. "Je ne pense pas qu'on reste dans l'incertitude pendant plusieurs mois, ce ne serait pas un très bon signal donné aux marchés. On est quand même dans une période encore très sensible : le maintien des taux d'intérêts ne va pas durer éternellement, il faut une gestion fine des liquidités de la Banque centrale, ce n'est pas forcément très adroit de bloquer le fonctionnement de la Réserve fédérale en ce moment."
A défaut de faire durer le suspense plusieurs mois sur la reconduction de Ben Bernanke – le vice-président Donald Kohn pourrait alors assurer l’intérim -, le Congrès devrait en revanche réclamer une diminution du pouvoir de la FED sur les banques, dans le cadre de la réforme de la régulation financière aux Etats-Unis. Une perspective que Ben Bernanke craint : il a envoyé une lettre à la commission bancaire du Sénat, soulignant que cette supervision des banques n’était pas dissociable de l’exercice de la politique monétaire de la Réserve fédérale.