Dès son arrivée à la tête d'EDF Henri Proglio jette une pierre dans le jardin d'Anne Lauvergeon, la patronne d'Areva, en déclarant que son « ambition était d'avoir une filière nucléaire française qui fonctionne » De plus,Henri Proglio, ancien patron de Veolia a obtenu de garder un pied dans son ancienne entreprise, en même temps qu'il dirige EDF, ce qui n'est pas du goût d'Anne Lauvergeon.
S'ensuit le raté du contrat d'Abou Dhabi, où chacun s'accuse mutuellement de l'échec de la candidature de la France à la construction de quatre réacteurs nucléaires. Le contrat portait sur 20 milliards de dollars et au final, Abou Dhabi a donné sa préférence à la Corée du Sud.
Pour Julien Quistrebert, spécialiste des questions énergétiques au cabinet Richelieu Finance, les relations entre deux géants du nucléaire français frisent le règlement de compte.
Dernière discorde en date : EDF accuse Areva d'avoir interrompu ses livraisons de combustible nucléaire depuis le début de l'année. En cause, l'arrivée à échéance en décembre 2009 du contrat d'approvisionnement des combustibles nucléaires fabriqués à partir d'uranium. Si Areva conteste les faits et affirme avoir approvisionné son client, l'industriel reconnaît que les négociations autour de ce contrat sont difficiles.
Autre sujet de discorde : le retraitement des combustibles brûlés. Là aussi les deux groupes n'arrivent pas à se mettre d'accord et il n'y aucun contrat de signé pour 2010. Résultat : L'uranium brûlé par les centrales nucléaires d'EDF reste sur les sites, au lieu d'être envoyé dans l'usine de retraitement de La Hague, situé dans la Manche.
Le désaccord porte sur un contrat de 850 millions d'euros pour Areva. Après des années de négociations, et malgré la signature d'un accord en décembre 2008 allant jusqu'en 2040. Les deux dirigeants, n'ont pas réussi à se mettre d'accord sur le prix, pas plus que sur les volumes de combustibles à recycler. Du coup, le dossier est en attente d'arbitrage à Bercy, au ministère de l'Economie.
Visiblement, ni Henri Proglio, ni Anne Lauvergeon ne semblent vouloir apaiser la situation. En donnant un tel spectacle à l'extérieur, est-ce que la filière nucléaire française ne risque de se discréditer ? C’est ce qui inquiète certaines personnalités politiques et déjà des voies s'élèvent, comme celle de Ladislas Poniatowski, président UMP du groupe d’études sur l’énergie au Sénat. Il n'hésite pas à qualifier ce déballage de « lamentable » et considère ces comportements comme étant suicidaires pour l'industrie nucléaire française.
Et ce n'est pas l'annonce de mardi 19 janvier qui va alléger les tensions, puisqu'on vient d'apprendre que, outre son salaire à EDF, Henri Proglio va gagner 450 000 euros par an pour son poste de président du conseil d'administration de Veolia.