Mopti, une ville ceinturée par les plastiques

Surnommée la Venise du Mali, Mopti est une ville ceinturée par les eaux. Elle l’est aussi par les plastiques. Face à ce fléau, la fondation Trust Aga Khan pour la culture (AKTC) a décidé de faire d’une pierre, trois coups : recycler ces plastiques en pavés, améliorer le cadre de vie et créer de l’emploi.

A environ 650 kilomètres au nord-est de Bamako, Mopti est une ville de transit qui grouille de monde. Des Bozos, ces pêcheurs qui naviguent sur le fleuve Niger aux peuhls qui font la transhumance avec leurs troupeaux, en passant par les touaregs et les bambara venus faire du commerce, tous consomment énormément de plastique. « Quand on part au marché, on nous donne plein de sachets plastiques. Si on achète du poisson, on nous en donne un. Si c’est de la viande ou du charbon, encore un autre », explique Kadia Touré, une ancienne fonctionnaire. Résultat, on les retrouve, multicolores, jonchant les trottoirs, surtout aux alentours du marché. « Tous les emballages sont en plastique alors que quand on était gosses, nos mamans allaient au marché avec un panier ou une calebasse. Il y en a partout au Mali et en Afrique même », se désole Dalla Gadjigo, un malien originaire de Kayes mais installé à Mopti depuis 11 ans.

Sur la petite route qui mène à Sévaré, à environ 5 km de Mopti, Dalla Gadjigo pointe du doigt les tas d’ordures sur le bas-côté puis montre les fleurs du Sahel, les plastiques bloqués dans les arbres. Pourtant ces plastiques, il les affectionne et leur donne une seconde vie. Depuis octobre 2006, la fondation a monté, avec différents partenaires, une unité de recyclage de plastique « mais pas n’importe lesquels », précise Mr Gadjigo, chef de programme de la fondation. « Ce sont seulement des sacs plastiques. Les vieux tapis, les anciens sceaux, tous ces plastiques durs n’en font pas partie car ils sont beaucoup plus toxiques et peuvent éventuellement créer des problèmes. On interdit formellement de les utiliser », explique-t-il.

Précieux déchets et pavés durables

L’idée vient du Niger. L’ONG Reseda s’est mis à réutiliser les plastiques pour daller les villes. Selon les techniciens, ces pavés sont plus durables, moins coûteux et plus résistants que le bitume. Ils peuvent tenir jusqu’à 60 voire 70 degrés. A coup de grandes brassées, Youssouf Cassambara recueille les plastiques pour les déposer dans de grandes casseroles, des fûts recyclés. Youssouf fait partie des 10 employés de l’usine, il a été formé par un de ses collèges. En effet, six d’entre eux sont allés au Niger se qualifier puis sont rentrés transmettre leur savoir. L’ouvrier montre le processus et va chercher dans le hangar les plastiques. Environ 160 personnes viennent chaque semaine, certaines à plusieurs reprises, vendre leur butin. Des femmes se sont même organisées en coopérative pour récupérer les précieux déchets la semaine et venir en charrette les vendre à la fondation le samedi. Sur les dépotoirs, femmes et enfants recherchent ce sésame qu’Aga Khan rachète 50 francs CFA. Même Kadia Touré, qui habite le quartier Komoguel 1, où se trouve la grande mosquée de Mopti, recycle ses emballages dans un petit fût rouge qu’elle garde à l’entrée de sa concession. Tous les trois jours, la fondation passe prendre les déchets.

« Avant, on les jetait à la poubelle », explique Nana Kané, 18 ans. Cette jeune fille participe au recyclage. Elle a reçu une formation de 5 jours de la fondation. « Ils nous ont dit de ramasser les plastiques et de les garder car ils vont nous les acheter », explique Nana. Autre apprentissage: « le plastique, c’est bon mais les gaz qu’ils dégagent ne le sont pas. Ils nous ont dit de ne pas les brûler à la maison, ça rend malade », précise-t-elle. Chaque semaine, environ 800 kilos sont rachetés. Youssouf Cassambara pèse consciencieusement les sacs qu’on lui apporte car certains sont lestés de pierre et de sable pour augmenter le poids. Ce qui le fait sourire. A l’usine, les ouvriers portent des masques de protection, des gants et des tenues de travail. Le principe du recyclage est basé sur la combustion des plastiques. La recette ? 20kg de plastique mélangé à 70 kg de sable qu’on laisse mijoter 25 mn et on obtient une mélasse noire qui passe dans la presse. Un poids de 100 kilos tombe dessus et on obtient 16 à 20 pavés.

« Depuis que les pavés sont là, on est en paix »

« Ça peut être mauvais pour l’environnement », concède Dalla Gadjigo, « mais le plastique qui reste dans la terre est pire que la fumée que ces petits fours dégagent ». Il faut, en moyenne, 400 ans pour qu’un plastique se décompose dans la terre. « Nous sommes dans une zone d’éleveurs. Si les animaux ingurgitent du plastique, ils meurent. Les plastiques empêchent l’écoulement des eaux usées et ça peut créer des maladies », poursuit Mr Gadjigo : « Le plastique empêche aussi l’air de circuler et l’eau de s’infiltrer pour alimenter les plantes ».

« Depuis que les pavés sont là, on est en paix », lance Kadia Touré. 4000 mètres carrés de pavés ont été posés dans le quartier de Kadia. La fondation ne fait pas d’usage commercial de son produit. « Le but n’est pas de se faire de l’argent mais d’améliorer le cadre de vie », explique Mr Gadjigo. Pari réussi. Les habitants de Komoguel 1 sont heureux. « C’est toujours propre, on balaie juste le matin. Avant, avec la pluie, nous avions de la boue qui coulait, cela créait des maladies, on était dérangé. Désormais, je suis très contente, ça me plait », renchérit Kadia Touré, le sourire aux lèvres. Cette solution n’est qu’au stade expérimental, la fondation pense étendre son dallage. Les habitants des rues pavées ont aussi quelques interdits : ne pas couper du bois pour ne pas briser les pavés et ne pas mettre leur réchaud dessus, ils pourraient fondre.

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