Bonus : les gouvernements passent aux actes

La saison du versement des bonus approche dans les banques. Ces rémunérations variables, versées aux opérateurs de marché, s'annoncent très élevées. Les gouvernements en Europe, mais aussi aux Etats-Unis, veulent démontrer leur volonté de limiter les excès.

En France, la taxe sur les bonus versés aux traders prend forme. La ministre de l'Economie, Christine Lagarde a annoncé, le 12 janvier 2010 dans un entretien au Figaro, qu'elle avait transmis le texte de loi au Conseil d'Etat. Cette taxe, décidée en décembre dernier, dans la foulée du Royaume-Uni, devrait entrer en vigueur à la fin du premier trimestre et devrait rapporter 360 millions d'euros. De son côté, la Maison Blanche a confirmé, le 11 janvier, que le président américain Barack Obama étudiait la création d'une taxe sur les banques qui ont reçu de l'argent public.

Les responsables politiques sont confrontés à leur opinion publique, scandalisée par le montant des bonus qui devraient être versés en février-mars. « Des primes à six, sept voire huit chiffres » aux Etats-Unis, annonçait le New York Times. Comme en Europe, les établissements financiers ont réalisé des profits record en 2009. Et en grande partie, grâce à la perfusion massive des Etats. En France, 320 milliards d’euros de garantie des prêts interbancaires et 40 milliards d’euros ont servi à recapitaliser les six grands réseaux. Au Royaume-Uni, ce sont quelque 220 milliards de dollars, comprenant l’entrée au capital ou la nationalisation de trois grandes banques britanniques. Aux Etats-Unis, un plan de sauvetage de 700 milliards de dollars a été décidé.

Même si les banques ont en grande partie remboursé les Etats, les gouvernements mettent aujourd’hui en œuvre les engagements qu’ils ont pris lors du G20 de Pittsburg, en septembre 2009. Cela, pour éviter que ne se reproduisent les mêmes excès concernant les bonus, qui ont conduit à une gestion à court terme de l'argent, et contribué au krach financier, qui a occasionné ces coûteux plans d’urgence.

Des remèdes très différents

De part et d’autre de l’Atlantique, les remèdes sont néanmoins très différents. En France, l'attention s'est focalisée sur le montant des bonus. Dans la loi qui sera applicable à la fin de ce trimestre, tout bonus versé au titre de 2009 à un opérateur de marché travaillant en France et qui dépassera 27 500 euros fera l’objet d’une taxe de 50% prélevée auprès des banques, y compris les filiales et les succursales des banques étrangères. Et ce, quelle que soit la forme des rémunérations variables (cash ou actions), et quel que soit le calendrier de leur versement. La majeure partie du produit de cette taxe, 270 millions d'euros, d’après les estimations officielles, viendra alimenter un fonds de garantie des dépôts ; les 90 millions restant iront au budget de l'Etat. C'est une taxe « exceptionnelle », a précisé la ministre de l'Economie, « un signal aux banques pour les inciter à financer l'économie plutôt que des rémunérations extravagantes » .

Aux Etats-Unis, la mesure envisagée par la Maison Blanche n'est pas directement liée au montant des bonus. Les rémunérations variables représentent la majeure partie du revenu des traders et il n'a jamais été question de les limiter. La Réserve fédérale avait bien ordonné aux banques de revoir leur politique de rémunération, mais sans aucune règle contraignante. Cependant, les 600 000 dollars par salarié provisionnés par exemple chez Goldman Sachs, apparaissent comme une provocation à l’heure où l’Amérique est confrontée à un taux de chômage de 10%. « Cette saison des bonus va offenser le peuple américain, elle m’offense moi aussi », a résumé le chef des conseillers économiques du président américain.

Barack Obama aurait donc décidé d’imposer une nouvelle taxe aux huit banques qui ont été soutenues par l'Etat fédéral, tant qu’elles n’auront pas intégralement remboursé les aides dont elles ont bénéficié. « Le président étudie une mesure assurant que les contribuables seront intégralement remboursés des sommes versées aux institutions financières », explique le porte-parole de la Maison Blanche, Robert Gibbs. Les contours de cette taxe devraient être précisés au début du mois prochain, pour qu’elle soit incluse dans le prochain projet de budget. De son côté, le procureur général de New York a exigé des banques américaines des renseignements précis sur les primes qu'elles espéraient verser au titre de 2009.

Hausse des rémunérations fixes

Quant à la City de Londres, pourtant haut lieu de la finance mondiale, le gouvernement de Gordon Brown n'a pas hésité à se montrer sévère à son égard. C’est d'ailleurs le gouvernement britannique qui a montré la voie à la France, par une taxe sur les bonus de plus de 27 500 euros. Malgré les menaces de délocalisation, les banques installées au Royaume-Uni n'ont pas réussi à faire plier Gordon Brown, qui veut marquer sa différence avec les conservateurs, à quelques semaines des élections.

Les banques installées au Royaume-Uni ne devraient pas pour autant renoncer à verser des bonus record pour garder sur cette place financière majeure leurs traders les plus performants. La taxe devrait donc rapporter à l’Etat au minimum 550 millions de livres (600 millions d'euros), d’après les estimations officielles. Mais selon les analystes, le bénéfice pour les finances publiques pourrait aller de un à quatre milliards de livres, qui seront affectés à la lutte contre le chômage.

Partout, les établissements financiers envisagent déjà d’augmenter les rémunérations fixes, en contrepartie d’une modération relative des bonus.

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