L’ex-éminence grise de Tony Blair auditionné

Alastair Campbell, ancien conseiller en communication de l’ex- Premier ministre britannique Tony Blair, a témoigné, ce mardi 12 janvier, devant la commission d’enquête sur l’engagement du Royaume-Uni en Irak. Tony Blair avait engagé son pays dans la guerre au côté des Etats-Unis, en dépit de l’absence d’une résolution de l’ONU, et de l’opposition de la majorité de son opinion publique. Portrait d'Alastair Campbell, personnage clef de ce dossier.

« Vous ne pensez pas quand même que nous n’allons rien trouver ». Lorsqu’il s’adresse ainsi aux journalistes, en janvier 2003, deux mois avant le déclenchement de l’invasion de l’Irak, Alastair Campbell est au faîte de sa gloire. Officiellement conseiller en communication du Premier ministre britannique d’alors, Tony Blair, l’homme est, en fait, l’instigateur de toute la stratégie politique du chef du gouvernement.

Lorsque l’armée américaine,  appuyée par des troupes britanniques pénètre en Irak pour renverser le régime de Saddam Hussein, cela fait près de dix ans qu’Alastair Campbell suit Tony Blair comme son ombre. Leur collaboration remonte à 1994. A cette date, alors jeune député, Tony Blair devient président du Parti travailliste et choisit comme porte -arole Alastair Campbell.

La Grande Bretagne est dirigé, à l’époque, depuis quinze ans par la très conservatrice Margaret Thatcher. La force de Tony Blair et de son conseiller en communication sera de convaincre les électeurs que les travaillistes ont évolué et qu’ils ont renoncé au discours marxiste incarné par l’ancien chef de file du parti Neil Kinnock. Profitant incontestablement d’une volonté d’alternance des Britanniques, le « New Labour » remporte une victoire écrasante lors des législatives de 1997. Tony Blair fait son entrée au 10 Downing Street, la résidence du Premier ministre, accompagné d’Alastair Campbell. Secrétaire à la presse durant trois ans, il devient ensuite directeur de la communication du Premier ministre. A ce titre, il supervise l’ensemble de la communication gouvernementale

Un conseiller très écouté

Eminence grise pour ses partisans, âme damnée pour ses détracteurs, l’ancien journaliste devenu conseiller politique ne laisse personne indifférent. Mais c’est la décision de Tony Blair d’entrer en guerre contre l’Irak aux côtés des Etats-Unis, en mars 2003 qui va déclencher la polémique. Six mois avant le déclenchement des hostilités, le gouvernement britannique, affirmant s’appuyer sur des rapports de ses services de renseignements, souligne que « Saddam Hussein, au-delà de tout doute raisonnable, continue à produire des armes chimiques et biologiques ». C’est sur la foi de ce rapport que les Etats-Unis déclenchent l’invasion de l’Irak qui aboutira au renversement du régime de Saddam Hussein. Des doutes s’expriment, pourtant, rapidement sur la crédibilité du rapport britannique concernant la présence en Irak d’armes de destruction massive.

Fin mai 2003, un reportage de la BBC accuse Alastair Campbell d’avoir délibérement exagéré la menace irakienne, n’hésitant pas, pour l’occasion, à plagier la thèse d’un étudiant américain rédigée en 1991. Rapidement, le docteur David Kelly, expert en armes bactériologiques et conseiller scientifique auprès du ministère de la Défense, est identifié comme source principale des informations de la BBC. Le scientifique se suicide en juillet 2003. Un mois après cette tragédie, Alastair Campbell démissionne

 Rattrapé par le passé

Six ans après les faits, l’Irak a rattrapé Alastair Campbell. A la demande du successeur de Tony Blair à la tête du gouvernement, Gordon Brown, une commission d’enquête a, en effet, été mise sur pied. Son président, Sir John Chlicott, en définissait ainsi le rôle en novembre dernier : « La commission d'enquête sur l'Irak a été installée pour identifier les leçons à tirer de l'engagement britannique en Irak afin d'aider les gouvernements futurs qui pourraient se retrouver dans des situations similaires. Dans cet objectif, nous devons établir ce qui s'est passé et nous le ferons sur la base d'indices que nous réunirons à partir de documents et de témoignages des acteurs directs. Nous chercherons ensuite à évaluer ce qui s'est bien passé, ce qui s'est mal passé et pourquoi tel fut le cas. Mes collègues et moi nous sommes attelés à cette tâche avec un esprit ouvert. Nous sommes apolitiques, indépendants de tout parti politique et nous voulons examiner les indices qui seront les bases de nos conclusions. Nous mènerons un examen approfondi, rigoureux, juste et honnête.»

L’ancien conseiller en communication est le premier personnage-clé de ce dossier a être auditionné, ce mardi. L’ancien Premier ministre Tony Blair devrait quant à lui être entendu, fin janvier ou début février. Ce dernier a d’ores et déjà souligné, lors d’un entretien avec la BBC: « même si nous avions su avant que l’Irak n’avait pas d’armes de destruction massive, j’aurais soutenu l’intervention militaire pour renverser Saddam Hussein ». A défaut d’être moral, le point de vue a le mérite de la clarté. Et l’on voit mal comment dans ces conditions la commission d’enquête pourra aller au-delà de simples auditions pour l’Histoire. 

Ce mardi 12 janvier, Alastair Campbell a défendu une position nettement moins consensuelle en  faisant porter le chapeau à la France. Devant les membres de la commission,  il a souligné que Tony Blair a privilégié le plus longtemps possible la solution diplomatique en Irak. Mais, a-t-il dit, «lorsque les Français se sont retirés (de la démarche anglo-américaine à l'ONU), c'est à ce moment que l'action militaire est devenu la seule option.»

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