Attentat contre la CIA : démenti jordanien

Pour Amman, le kamikaze n’était pas un agent double jordanien. L’homme a pourtant tendu un piège aux Américains et tué 7 agents de la CIA, sur une base afghane. L’efficacité du renseignement américain est une nouvelle fois sur la sellette.

 

L'homme qui a déclenché sa ceinture d'explosifs sur la base de Chapman, au beau milieu d'une réunion de la CIA, était Jordanien. Identifié sous le nom de Humam Khalil Abu Mulal Al Balawi, ce médecin de 36 ans avait été arrêté en Jordanie par les services de sécurité il y a un peu plus d'un an. Sympathisant d'al-Qaida, il avait animé des forums extrémistes sur internet, son pseudo était alors Abu Dujana al Khurasani. En 2007 par exemple, ce Jordanien appelait les djihadistes à rejoindre « la lutte contre l’oppresseur américain ».

Humam Al Balawi a donc été arrêté, il a passé quelques mois en détention en Jordanie et a suivi un programme de « rééducation » au terme duquel il a été recruté par la CIA et les services de renseignement jordaniens.

Al Balawi se trouvait fin 2009, en Afghanistan, depuis plusieurs semaines en mission d’infiltration au profit des Américains. Peu de temps avant l'attentat, l’homme prend contact avec son agent traitant, Ali Ben Zeid, un officier jordanien membre de la famille royale hachémite. Il lui demande d'organiser de toute urgence une réunion avec la CIA, dans les environs de Khost car il affirme détenir des informations sur le numéro 2 d'al-Qaïda : Ayman Al Zawahiri. D’après les médias américains, la réunion semblait être de la plus haute importance puisque de hauts gradés étaient présents sur la base opérationnelle avancée de Chapman. Ce camp est situé à la frontière entre le Pakistan et l’Afghanistan. Sur cette base on supervise les attaques de drones et les raids contre les talibans et les militants d’al-Qaida dans les zones tribales.

L’accès à une réunion de haut niveau sans contrôle

« Il s’était montré très coopératif par le passé et dans ce type d’affaire, il faut gagner la confiance des informateurs », souligne des experts du renseignement. L’agent double jordanien a tendu un piège aux Américains. A l'entrée du camp Chapman, Humam Al Balawi n'a pas été fouillé et il s'est fait exploser tuant 7 agent américains et l'officier jordanien.

Les talibans pakistanais et afghans ont immédiatement revendiqué l’attentat et depuis une semaine, la CIA se refuse à tous commentaires. Barack Obama a envoyé une lettre de condoléances aux fonctionnaires de l’Agence. Selon le président américain, la CIA vient d’être éprouvée « comme jamais » depuis le 11 septembre 2001. « Il y aura des représailles », affirment des sources officielles du renseignement américain qui souhaitent conserver l’anonymat. Cette attaque, très sophistiquée, est en effet la plus meurtrière pour la CIA, depuis Beyrouth dans les années 80.

Morts pour rien ?

Aux Etats-Unis, moins d’une semaine après l’attentat, l’analyse du général Michael Flynn passe mal. Ce haut gradé juge que les informations obtenues par les services de renseignement en Afghanistan n’ont qu’un bénéfice limité pour la coalition. « La communauté américaine du renseignement n’a qu’une utilité marginale pour la stratégie d’ensemble », souligne le général Michael Flynn dans un rapport de 26 pages diffusé par un groupe de pression basé à Washington (le centre pour une nouvelle sécurité américaine). Le militaire recommande de recentrer le renseignement sur la population afghane plutôt que sur l’ennemi et évoque à mots couverts une stratégie actuelle basée sur l’amateurisme.
 
Discrétion en Jordanie

Amman observe un silence embarrassé sur l’implication de l’un de ses ressortissants dans l’attaque du 30 décembre 2009. Les « renseignements jordaniens ne sont nullement impliqués dans de telles opérations », a affirmé le porte-parole du gouvernement jordanien Nabil Shérif.

A Zarka, la ville d’où est originaire le kamikaze, les services de sécurité ont arrêté un frère d’Humam Al Balawi, son père a été convoqué et la famille a l’interdiction de parler aux médias et de dresser la traditionnelle tente de funérailles pour y recevoir les condoléances. Les autorités jordaniennes craignent que l’évènement attire les djihadistes. Elles semblent également un peu gênées car « l’affaire a clairement révélé la coopération entre Amman et la CIA, ce qui a des échos négatifs au sein d’une population majoritairement anti-américaine », souligne un diplomate occidental.

 

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